Inclure Philippe Pétain à l'hommage rendu samedi aux Invalides aux maréchaux de la Grande guerre ? "Légitime" selon Emmanuel Macron qui, lors de son itinérance mémorielle dans le nord et l'est de la France cette semaine, à l'occasion du centenaire de l'armistice, s'est attiré les foudres de l'opposition et des instances représentatives juives.
"Des mythes autour de Pétain". "Il y a un maréchal Pétain qui a été un des acteurs et des grands soldats de 14-18, et ça vous ne pouvez pas l'effacer, et donc j'ai simplement dit : 'on n'efface pas l'histoire, on n'est pas les procureurs de l'histoire'", s'est justifié jeudi le chef de l'Etat. Mais pour l'historien Jean-Yves Le Naour, "il y a des mythes autour de Pétain", à commencer par celui sur son rôle dans la victoire de la bataille de Verdun. "Les historiens sont beaucoup plus divisés là-dessus", a-t-il soutenu au micro de Bernard Poirette, samedi matin sur Europe 1.
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Nivelle, le vrai vainqueur de Verdun. Selon le spécialiste de la Première Guerre mondiale, si un telle importance a été accordée au fil des années au maréchal Pétain, c'est notamment pour éclipser Robert Nivelle. "Pétain a commencé à commander à Verdun du 25 février au 1er mai. Ensuite, c'est Nivelle qui a commandé du 1er au mois de décembre. C'est à cause de l'échec du Chemin des Dames en 1917 - où il y a 100.000 pertes absolument pour rien, en quelques jours - qu'on ne se souvient plus de ce qu'a fait Nivelle à Verdun. Il a reconquis toutes les positions que les Allemands avaient conquises entre janvier et juin. C'est lui, en décembre 1916, qui est considéré comme le vainqueur de Verdun, et non pas Pétain. C'est pour cela que, quand Joffre est viré de son poste de commandant en chef des armées françaises, il est remplacé par Nivelle, et non pas par Pétain", rappelle Jean-Yves Le Naour.
Le maréchal Joffre avait d'ailleurs écrit : "Je tiens à affirmer que le vrai vainqueur de Verdun fut Nivelle."
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L'histoire a donc surtout retenu de Robert Nivelle la désastreuse offensive du Chemin des Dames, et les mutineries qui s'en sont suivies. "Pour la mémoire de gauche comme la mémoire de droite, il devient le mauvais général. Ça permet d'épargner Joffre, Pétain et Foch. Pourtant, ils ont aussi fait des erreurs considérables", note l'historien.
Un maréchal déchu de son titre. Pour Jean-Yves Le Naour, la polémique autour de l'hommage rendu à Pétain n'aurait pas dû exister… pour une raison simple. "Pétain a dirigé l'armée française de 1917 à 1918. Evidemment, c'est un grand officier, un grand soldat. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'il a été condamné pour haute trahison, frappé d'indignité nationale, et on lui a retiré son titre de maréchal. Sur le plan juridique, il n'est plus maréchal", souligne le spécialité de la Grande guerre.
"Le héros, c'est le sans-grade". Suite à la polémique, Emmanuel Macron a finalement décidé de ne pas rendre hommage à Philippe Pétain aux Invalides. "Que l'armée honore ses chefs, c'est normal, qu'elle le fasse dans son coin. Mais pour les Français, c'est le Poilu qui mérite qu'on lui rende hommage", appuie Jean-Yves Le Naour. "Pour les Français, qui est le victorieux, le héros et la victime de 14-18 ? C'est le Poilu. Il y a eu 1,4 million de morts. 1,4 million de fils de France qui se sont sacrifiés, qui ont fait leur devoir, et qui ont disparu. Imaginez toutes les familles en deuil qu'il y a pu y avoir. Le héros, c'est le Soldat inconnu, c'est l'anonyme, l'obscur, le sans-grade. Ce ne sont pas ces généraux qui ont failli et qui sont morts dans leurs lits", dénonce l'historien.