Il était l’un des terroristes les plus recherchés au monde. Peter Cherif, aussi connu sous le pseudonyme d’Abou Hamza, a été arrêté le 16 décembre à Djibouti, une information révélée jeudi soir par l’hebdomadaire Marianne. Ce vétéran du djihad de 36 ans, qui a été membre d’Al-Qaïda, a longtemps échappé aux autorités françaises après avoir pris la fuite en 2011. Mais si son nom apparaît sur le devant de la scène, c’est avant tout pour sa proximité avec les frères Kouachi, auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015.
Originaire du 19e arrondissement de Paris et membre, comme eux, de la filière djihadiste des Buttes-Chaumont, il a été présenté comme l’un des commanditaires de l’attaque contre le journal satirique. "Ce terroriste a joué un rôle important dans l'organisation de l'attentat contre Charlie Hebdo", a assuré la ministre des Armées Florence Parly, vendredi sur RTL. Pourtant, son implication dans ce dossier n’a jusqu’ici pas été prouvée par la justice.
Membre de la filière des Buttes-Chaumont. Avant de figurer sur la liste noire des djihadistes établie par le département d’État américain, Peter Cherif a grandi dans le quartier populaire du 19e arrondissement de Paris, où il rencontre les frères Kouachi à la fin des années 1990, comme le raconte L’Express. Son adolescence est difficile, avec plusieurs condamnations pour braquages et vols à main armée. Il tente alors de s’engager dans l’armée, mais doit renoncer en 2002 à cause d’une blessure. Un an plus tard, il se convertit à l’islam en 2003, selon l’organisation Counter Extremism Projet.
Il se radicalise alors dans une mosquée du 19e arrondissement de Paris au contact du prédicateur Farid Benyettou, protagoniste clé de la "filière des Buttes-Chaumont", qui envoyait des jeunes gens du quartier combattre en Irak. Peter Cherif présente même Benyettou à Cherif Kouachi. Le prédicateur, qui assure aujourd’hui s’être repenti, devient alors le mentor des deux frères.
Combattant d’Al Qaïda en Irak. Peter Cherif, lui, rejoint les rangs d’Al Qaïda dès 2004, pour aller combattre en Irak. Il est blessé à la jambe et au visage et est capturé par la coalition menée par les Américains en décembre de la même année, lors de la bataille de Falloujah. Le Français passe par différents camps de prisonniers, dont la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib, près de Bagdad. En 2006, un tribunal irakien le condamne alors à 15 ans d’emprisonnement.
Peter Cherif ne passe pourtant que quelques mois derrière les barreaux. En mars 2007, il profite d’une attaque d’insurgés sur la prison où il est enfermé pour s’échapper avec 150 autres prisonniers, et rejoindre la Syrie. Poursuivi par les services syriens, il préfère se rendre aux autorités françaises début 2008.
Un procès en France, puis la fuite. Extradé par la France, Peter Cherif passe 18 mois en prison dans l’attente de son procès. Ses anciens compagnons de la filière des Buttes-Chaumont ont, eux, déjà été jugés en 2008. Il comparaît donc seul et libre devant le tribunal correctionnel de Paris, au début de l’année 2011. Pour expliquer son engagement en Irak, il assure être "parti sur un coup de tête". "Je suis parti car j’étais touché par la misère du peuple irakien. C’est une période que j’essaie d’oublier", assure-t-il à la barre, dans des propos retranscrits par L’Express.
Peter Cherif ne sera pourtant pas présent pour entendre sa condamnation à cinq ans d’emprisonnement. Au dernier jour de son procès, il disparaît dans la nature. Les services de renseignement retrouvent sa trace quelques mois plus tard au Yémen, où il a rejoint les rangs d’Al Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA).
Une rencontre avec Chérif Kouachi au Yémen ? C’est ce séjour qui a particulièrement intéressé les services français. Car depuis le Yémen, Peter Cherif entretient des contacts réguliers avec les frères Kouachi, notamment dans un cybercafé de Gennevilliers. A l’été 2011, Chérif Kouachi s’envole pour Oman, avant de rejoindre à son tour le Yémen, où il suit un entraînement au maniement des armes au sein d’AQPA, selon des notes des services de renseignement dévoilées par Mediapart.
Mais Chérif Kouachi a-t-il profité de ce voyage pour rencontrer son vieil ami ? Mystère. Quelques mois plus tard, les services de renseignement s’inquiètent des recherches internet de Chérif Kouachi sur la colocation d’une chambre dans la ville d’Al-Jouf, fief d’AQPA où est alors localisé Peter Cherif. Les services américains évoquent également, en 2013, un projet d’attentat d’AQPA, qui "impliquerait potentiellement" Peter Cherif, sans plus de précisions.
Mais rien, jusqu’ici, n’a établi que ce dernier ait été le commanditaire de l’attentat de Charlie Hebdo. Il n’est ainsi pas visé par un mandat d’arrêt dans cette enquête, a indiqué vendredi une source judiciaire. Le parquet de Paris a requis un procès aux assises pour 14 personnes impliquées dans les attentats de janvier 2015, une liste sur laquelle Peter Cherif ne figure pas. Selon nos informations, son nom apparaît dans plusieurs enquêtes en cours. Actuellement détenu à Djibouti, il pourrait être extradé en France, mais d’autres pays pourraient l’interroger sur son long périple djihadiste. S’il coopère, Peter Cherif pourrait s’avérer être une source d’informations précieuse pour les services de renseignement occidentaux.
Dans un communiqué, Éric Plouvier, l'avocat de Peter Cherif lors de son procès en 2011, s'exprimant au nom de sa famille, a appelé les autorités consulaires françaises à lui rendre visite "sur son lieu de privation de liberté afin de s'assurer des conditions de sa détention et du respect de ses droits".