Peut-on vraiment interdire le réseau social X en Europe, comme le souhaite Marine Tondelier ?

Plusieurs cadres du Nouveau Front populaire posent ouvertement la question d'un départ de X, évoquant le tournant pris par le réseau social depuis son rachat par le fantasque milliardaire Elon Musk. La patronne des écologistes, Marine Tondelier, souhaite même son interdiction pure et simple en Europe. Un scénario plausible ?
"On se lève et on se casse !" C'est avec ces mots que la députée écologiste de Paris, Sandrine Rousseau, s'est adressée à plusieurs de ses collègues du Nouveau Front populaire. L'élue appelle les membres de la coalition de gauche à quitter le réseau social X, dirigé par le fantasque milliardaire Elon Musk. Elle dénonce "la haine des étrangers, un racisme décomplexé" ainsi que "les théories d'extrême droite" ou encore les "publications anti-trans et misogyne" que le patron de Tesla et SpaceX favoriserait en manipulant l'algorithme du réseau social. Pour rappel, Elon Musk s'est engagé en faveur de Donald Trump lors de la dernière présidentielle américaine, remportée par le Républicain, et occupera la fonction de ministre de l'"efficacité gouvernementale" dans la future administration.
Le patron du PS, Olivier Faure, a également indiqué, sur BFMTV, qu'il se "posait la question" d'un éventuel départ de la plateforme. Un pas qu'ont déjà sauté la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, et le sénateur écologiste Yannick Jadot. Ce dernier a exprimé son refus "d’utiliser un réseau social qui est devenu l’instrument d’une propagande massive au service d’une extrême droite, raciste, homophobe, sexiste, climatosceptique". Sur RTL, dimanche, la patronne d'EELV, Marine Tondelier, a même ouvertement souhaité une interdiction de X en Europe. Une sanction "possible", avait estimé la semaine dernière sur LCI l'ancien commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. Qu'en est-il réellement ?
Des sanctions économiques
Sur le Vieux-Continent, les grandes plateformes que sont X, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Apple, Google ou TikTok sont soumises à deux lois : le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act). C'est essentiellement en vertu du premier texte que des sanctions pourraient être prononcées à l'encontre de X. Le DSA entend "diminuer la diffusion de contenus illégaux et instaurer plus de transparence entre les plateformes en ligne et les utilisateurs". Une fois le signalement effectué, les plateformes "devront rapidement retirer ou bloquer l’accès" au contenu illicite, précise le site du ministère de l'Économie.
Des règles auxquelles se soustrait régulièrement le réseau social X, estime Julie Jacob, avocate spécialisée en droit du numérique et des nouvelles technologies. "Il est clair qu'il n'y a aucun respect des règles de modération et de suppression des contenus. Tout ce qui concerne le signalement n'est pas efficace", affirme la juriste. De quoi faire planer la menace d'une interdiction ? "En théorie, c'est possible, mais ce ne sera pas la première étape", poursuit Julie Jacob.
En cas de non-respect des règles du DSA, les plateformes comme X s'exposent avant tout à des sanctions économiques. Une amende pouvant atteindre jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial. La Commission européenne peut également "appliquer des astreintes allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires quotidien moyen mondial pour chaque jour de retard dans le respect des mesures correctives, des mesures provisoires et des engagements", peut-on lire sur le site internet de ladite Commission.
Un précédent au Brésil
Si les plateformes refusent malgré tout de se conformer à la loi, une suspension de leurs services est possible, "mais elle doit être temporaire", précise Julie Jacob. "Et cette sanction n'est prise qu'à partir du moment où les manquements mettent en danger la sécurité publique et les droits fondamentaux", ajoute l'experte. Autrement dit, les textes ne prévoient pas d'interdiction définitive des plateformes sur le sol européen.
De l'autre côté de l'Atlantique, le Brésil avait prononcé une suspension provisoire de X en août dernier après le refus d'Elon Musk de supprimer plusieurs comptes accusés de propager de fausses informations. Le milliardaire n'avait pas non plus nommé de représentant légal dans le pays. Après un bras de fer long de plusieurs semaines, le fondateur de SpaceX avait fini par céder aux décisions de la Cour suprême brésilienne et l'accès au réseau avait été rétabli le 8 octobre dernier.
S'agissant de X sur le Vieux-Continent, la Commission européenne a ouvert une "enquête formelle" le 18 décembre 2023 pour désinformation. Le commissaire européen au Numérique de l'époque, un certain... Thierry Breton avait justifié cette décision par des "manquements présumés aux obligations de lutte contre les contenus illicites et la désinformation". Mais la décision finale se fait toujours attendre et, pour l'heure, aucune sanction n'a été prononcée contre X.