Plus de 12 millions d'élèves ont fait lundi leur rentrée scolaire en France. Certains le sourire aux lèvres, d'autres la boule au ventre. Si ce n'est pire. Environ 1 à 5% des enfants et adolescents, essentiellement des collégiens, sont touchés par la phobie scolaire. Comme un cheval qui se cabre, ils se sentent incapables de franchir les portes de l'école. Quels sont les signes à repérer ? Comment réagir face à un enfant en refus ? Quel est le rôle des parents, de l'école, du monde médical ? Les questions sont nombreuses et la nécessité de rapidement détecter cette souffrance primordiale.
Ne pas confondre vouloir et pouvoir. "Le matin, il n'arrivait pas à se lever. Il me disait qu'il avait peur mais qu'il ne savait pas de quoi. Il avait mal au ventre, la nausée, la diarrhée. Il faisait des crises d'hystérie. Je l'habillais de force et l'amenais à l'école, pensant que c'était des caprices. Au bout de plusieurs semaines, j'étais désemparée, je ne savais plus quoi faire". Dans École : quand la phobie prend le dessus, la maman du jeune Théo (CM2) raconte comment elle a dû se rendre à l'évidence : son fils souffre de phobie scolaire.
Pour les parents, il est ainsi souvent difficile de différencier le "je ne veux pas" du "je ne peux pas". Or ici, il n'est question ni de flemme, ni d'école buissonnière. La plupart des enfants atteints de ce syndrome ont d'ailleurs envie d'aller à l'école ou au collège. Simplement, ils en sont dans l'incapacité, comme paralysés par l'anxiété.
Des symptômes physiques et psychiques. Chez les plus jeunes, les manifestations sont très souvent d'ordre somatique : maux de tête, vomissements... "Ils ne vont pas forcément mettre des mots dessus, mais leur corps va exprimer un profond malaise", détaille Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. "Chez les plus grands, comme les lycéens par exemple, cela va se manifester à la fois sur le plan psychique, avec des attaques de panique, une angoisse de la mort imminente, et sur le plan physique, avec des fourmillements, des tremblements ou des malaises", ajoute la spécialiste, contactée par Europe1.fr.
"L'enfant ne va pas dire 'je ne veux pas aller à l'école', car il ne sait pas forcément qu'il est atteint de phobie scolaire, ou plutôt il ne se l'avoue pas. Résultat : on a quelquefois des enfants qui font des tas d'examens, les parents pensant qu'il s'agit essentiellement d'un problème physique et non pas psychique", observe pour sa part le pédopsychiatre Gérard Schmit.
Des causes multiples et imbriquées. Généralement, on observe trois pics lors desquels le syndrome peut se manifester : vers 5-6 ans, entre la grande section de maternelle et le CP, vers 10-11 ans, à partir du CM1 jusqu'à l'entrée en 6e, et assez souvent en 4e-3e, vers 14-15 ans. Mais la phobie scolaire touche toutes les classes d'âge - parfois même lors de l'entrée à l'université - et pas forcément les mauvais élèves. Les causes avancées par les professionnels, elles, peuvent être multiples : peur de la maîtresse chez les petits, angoisse de la séparation avec les parents, peur de l'échec chez les adolescents, dépression associée à une phobie sociale, voire dans certains cas, des facteurs de risques tels que le harcèlement ou des troubles de l'apprentissage (ou au contraire, le fait d'être surdoué)…
" La plupart du temps, les causes ne sont pas liées à l'école "
Les enseignants peuvent dans ce cas détecter si l'élève est en souffrance, s'il est rejeté ou harcelé, voire se remettre en question s'ils mettent trop de pression sur leurs élèves. Cependant, "la plupart du temps, les causes ne sont pas liées à l'école", note le Dr Schmit. "L'angoisse est projetée sur l'école. Comme quelqu'un qui a la phobie des ascenseurs : l'ascenseur ne lui a pourtant rien fait. Souvent, il ne faut pas chercher à avoir une explication simple. Or les parents, qui sont vraiment en première ligne, pensent parfois que c'est la faute de l'école. Ils vont par exemple avoir tendance à changer leur fils ou leur fille d'établissement, ce qui n'est pas forcément la meilleure solution".
L'importance d'agir vite. Il faut dans tous les cas agir rapidement, recommandent les soignants et l'association Phobie scolaire. Cette dernière, dans une feuille de route censée guider les parents à travers leurs démarches, propose comme première solution un "arrêt maladie de trois semaines pour l'enfant". Les pédopsychiatres se veulent plus nuancés : le domicile ne peut être qu'un refuge temporaire.
" Le cercle vicieux s'installe vite. (…) En une petite semaine, cela peut déjà être le cas "
"Moins l'enfant va à l'école, plus son angoisse va augmenter. Le cercle vicieux s'installe vite. Cela ne prend pas trois mois. En une petite semaine, cela peut déjà être le cas", explique notamment Béatrice Copper-Royer. "Si on considère le problème assez tôt, on peut éviter l'absentéisme à long terme. Dans le cas contraire, son anxiété va se reporter sur d'autres objets, jusqu'à ce qu'il ne puisse même plus sortir pour accompagner ses parents au supermarché", abonde Gérard Schmit, professeur de pédopsychiatrie à l'UFR de médecine de Reims.
Un tabou à surmonter. La meilleure des choses à faire est donc de consulter. Mais là encore, ce n'est pas toujours évident pour les parents. "Pour eux, cette situation crée souvent de la honte. Ils ont le sentiment qu'ils ont été défaillants et cela les empêche d'aller demander de l'aide. Il faut surmonter cette difficulté narcissique pour aller chercher une aide extérieure. Il est très important également de parler avec le corps enseignant, pour qu'il comprenne mieux l'enfant", encourage le spécialiste. Ici, l'enjeu, est aussi d'enlever le stress aux parents, qui alimente celui des enfants, quand ce n'est pas le contraire.
"Les parents doivent accompagner leur enfant, ne pas l'accuser, ne pas le rejeter, mais le comprendre avec une certaine fermeté", continue Gérard Schmit.
" La continuité et la densité de soutien sont très importantes "
Un mal curable. Si le syndrome s'étale généralement sur plusieurs mois, voire plusieurs années, des solutions existent pour permettre la réintégration des élèves touchés. Les soins vont de quelques séances de thérapie à une hospitalisation de plusieurs semaines dans des unités adaptées. "Il n'y a pas de méthode miracle, mais la continuité et la densité de soutien sont très importantes", affirme enfin le pédopsychiatre. À ce jour, la phobie scolaire ne figure toujours pas sur la liste des maladies reconnues par l’Éducation Nationale.