Plan contre les violences conjugales : "Il faut avancer et arrêter de faire de la communication", s'irrite une militante

Margaux Collet, militante de l'association Osez le féminisme et formatrice sur la question du harcèlement était l'invitée, lundi, de Nathalie Lévy. 2:35
  • Copié
Tiffany Fillon , modifié à
Prise en charge psychologique des agresseurs, introduction de l'emprise dans le code pénal, renforcement du numéro 3919... Le Premier ministre Édouard Philippe a clos lundi le Grenelle contre les violences conjugales en présentant un plan pour endiguer ce fléau. Mais Margaux Collet, militante d'Osez le féminisme, estime que les moyens alloués ne sont pas suffisants. 
INTERVIEW

À l'occasion de la fin du Grenelle contre les violences conjugales, le gouvernement a annoncé lundi une trentaine de mesures pour lutter contre ce fléau qui a coûté la vie à au moins 117 femmes depuis le début de l'année. Prise en charge psychologique des agresseurs, introduction de l'emprise dans le code pénal, renforcement du numéro 3919… Le gouvernement a présenté un plan à forte tonalité juridique, qui a laissé les associations sur leur faim. Lundi, quelques dizaines de militantes du collectif "Nous toutes" se sont rassemblées à Paris pour demander encore plus de moyens et des dispositifs plus performants. 

Au micro d'Europe 1, c'est également ce que revendique, Margaux Collet, militante de l'association Osez le féminisme, qui est aussi formatrice sur la prévention du harcèlement sexuel au travail. Elle dénonce des mesures faussement inédites de la part du gouvernement dont elle met en doute la "sincérité". "La plupart de mesures annoncées dans ce plan existent déjà", a-t-elle lancé au micro d'Europe 1, citant notamment "l'interdiction de la médiation pénale, la formation des enseignants sur les violences conjugales et sur l'égalité ainsi que l’interdiction du port d'arme". 

"La question des moyens, ce n'est pas juste pour faire joli"

"Ce qui manque, c'est l’application de ces textes et pour les appliquer il faut des moyens", estime-t-elle. "La question des moyens, ce n'est pas juste pour faire joli, c'est pour que les associations ne soient pas sous l'eau, qu'elles puissent répondre à toutes les demandes et qu'aucun appel au 3919 (la ligne d'écoute dédiée aux victimes de violences conjugales, ndlr) ne soit laissé sans réponse", estime-t-elle. "Il faut que les victimes soient accompagnées pendant des semaines et des mois par des associations."

Le gouvernement consacrera l'année prochaine plus d'un milliard d'euros à l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais Margaux Collet redoute que cette annonce ne soit que de la poudre aux yeux. "Tous les calculs sont contestés, leur sincérité est contestée. Il faut avancer et arrêter de faire de la communication", explique-t-elle à ce propos. Lundi, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait aussi annoncé que dans le cadre de cette somme, 360 millions seront dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Pour Margaux Collet, cette enveloppe n'est pas suffisante pour pouvoir prendre en charge les femmes victimes de violences. "On veut que les femmes puissent aller au commissariat et qu'elles soient accueillies de manière irréprochable par des officiers de police ou de gendarmerie qui soient formés", soutient-elle. "Une femme qui fait face à la menace 'Si tu me quittes, je te tue, si tu portes plainte, je te tue' fait preuve d'un courage immense sauf que derrière, il n'y a personne pour les aider."

Entendu sur europe1 :
L’accueil en commissariat et en gendarmerie est très loin d'être irréprochable

Le gouvernement compte créer une "grille d'évaluation" devant permettre aux forces de l'ordre de mieux estimer le danger encouru par les femmes qui se présentent au commissariat ou à la gendarmerie.

"C'est bien, la grille d'évaluation existe déjà dans de nombreux commissariats. C'est une mesure qui va pouvoir être généralisée à l'ensemble des commissariats", explique Margaux Collet, qui juge que cette grille est "un bon outil". Elle affirme toutefois que, seul, ce dispositif ne pourra pas régler le problème de l'accueil des femmes dans les commissariats et les gendarmeries.

"Cette grille, il faut la remplir, il faut être formé pour et l’accueil en commissariat et en gendarmerie est très loin d'être irréprochable", appuie-t-elle, en demandant d'aller plus loin que la formation des officiers. "Les personnes qui reçoivent mal, incorrectement et qui refusent de prendre les plaintes doivent être sanctionnées", exige-t-elle, au nom de l'association Osez le féminisme.

La levée du secret médical, une mesure contestée

Ceux qui peuvent aujourd'hui les aider sont notamment les médecins, qui constatent souvent les stigmates des violences conjugales sur ces femmes. Pourtant, Margaux Collet remet en cause la levée du secret médical en cas de danger de mort ou immédiate.

"Comme de nombreux médecins spécialisés et qui accompagnent des victimes, je pense que c'est une fausse bonne idée", juge-t-elle. "Si une femme qui se sent en insécurité est convoquée dans un commissariat suite à un signalement du médecin et qu'elle répond que celui-ci a fait une erreur d'interprétation, cela sera marqué dans son dossier et cela peut être très préjudiciable."