La justice a une nouvelle fois reconnu une "faute" de l'État dans sa politique de lutte contre la pollution de l'air en Île-de-France, après le recours de trois Parisiens victimes de problèmes respiratoires, selon une décision rendue publique jeudi. C'est la deuxième fois qu'une décision de ce type mettant en cause l'État est rendue : fin juin, le tribunal administratif de Montreuil avait estimé que l'État avait commis une faute, après le recours d'une mère et sa fille vivant près du périphérique et souffrant de problèmes respiratoires.
C'est au tour du tribunal administratif de Paris d'épingler ce jeudi la "carence fautive" de l'État "pour réduire, le plus rapidement possible, les valeurs de dioxyde d'azote et de particules fines dans l'air", sans toutefois indemniser les plaignants pour le préjudice "qu'ils estimaient subir".
"C'est une bonne nouvelle"
"Le tribunal admet ainsi que l'État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité (mais...) a cependant rejeté les demandes indemnitaires des requérants", estimant que le lien de causalité entre les pathologies respiratoires et l'insuffisance des mesures prises n'était pas avéré, indique le tribunal. "C'est une bonne nouvelle que la deuxième juridiction saisie retienne aussi la faute de l'État", a réagi Me François Lafforgue, qui défendait les plaignants. "En revanche, les trois victimes ne sont pas indemnisées. C'est une déception, nous allons certainement faire appel de cette décision", a-t-il ajouté.
Trois personnes résidant à Paris depuis plus de vingt ans et souffrant de diverses pathologies respiratoires avaient demandé au tribunal parisien de condamner l'État à les indemniser. Parmi elles, Clotilde Nonnez, Parisienne victime de problèmes respiratoires chroniques et figure de proue de ces requérants. Cette professeure de yoga d'une cinquantaine d'année avait été la première en France à attaquer l'État en justice en la matière, en juin 2017. Elle avait réclamé 140.000 euros d'indemnisation, les deux autres plaignants avaient demandé de leur côté 83.000 et 120.000 euros.
Selon l'agence Santé publique France, la pollution aux particules fines entraîne chaque année 48.000 morts prématurées dans le pays. Mesurée par des valeurs fixées par Bruxelles, l'exposition aux principaux polluants (particules fines, ozone, benzène, dioxyde d'azote et dioxyde de souffre) ne doit pas dépasser certains niveaux, sur un jour et sur l'ensemble de l'année. "L'État français est soumis à cette obligation de résultat transposée dans le code de l'environnement", souligne le tribunal.
"Il ne s'agissait pas d'ouvrir une boîte de Pandore"
Si la situation s'est globalement améliorée depuis 15 ans, ces normes sont régulièrement dépassées dans les grandes villes ou dans des bassins industriels. Une cinquantaine de recours ont été déposés par d'autres victimes de la pollution à Paris, Lyon, Lille ou Grenoble (vallée de l'Arve), selon les associations.
"On a toujours dit qu'il ne s'agissait pas d'ouvrir une boîte de Pandore mais que l'État prenne ses responsabilités et indemnise des victimes, quand des personnes sont vulnérables et ont subi de plein fouet les épisodes de pollution ou ont contracté des pathologies respiratoires", a estimé Me Lafforgue. "Nous allons continuer à déposer des recours pour des victimes, des enfants malades, quand les dossiers sont étayés", dit-il, avec 39 recours déjà engagés ou sur le point de l'être au sein de son cabinet.