La loi Evin, qui encadre notamment la publicité pour l'alcool, est-elle remise en cause ? Claude Evin, l'ancien ministre de la Santé à l'origine de cette loi éponyme de 1991, s'en inquiète lundi matin dans les colonnes du Parisien. Un amendement sénatorial de la loi Macron pourrait en effet aboutir à alléger les contraintes encadrant la publicité pour l'alcool. L'amendement en question, déposé par le sénateur Gérard César (Les Républicains), propose de différencier information et publicité sur l'alcool. Face aux inquiétudes suscitées par cette proposition, la ministre de la Santé a appelé lundi à "ne pas changer la loi" Evin.
Pourquoi cet amendement ? L'amendement a été déposé par l'ancien viticulteur Gérard César. Le sénateur estime que "la loi Evin est devenue source d’insécurité juridique, et donc de complexité, à la fois pour les filières productrices de boissons alcooliques". Selon Gérard César, cet amendement vise donc à "clarifier les frontières entre ce qui relève d’une part, de la publicité et d’autre part, de l’information journalistique et oenotouristique". Le sénateur estime en effet que la loi Evin est un frein au développement de la filière viticole en France, alors qu'il s'agit pourtant "d'un véritable atout pour le développement économique et l’attractivité de nos territoires".
Que dit l'amendement ? En résumé, cet amendement vise à rendre la notion de publicité plus souple. Actuellement, la publicité pour l'alcool est interdite à la télévision et autorisée à la radio, sur des affiches et sur Internet, mais avec des slogans sévèrement encadrés. Avec cet amendement, le sénateur souhaite autoriser la communication autour de l'alcool lorsque le message ne ressemble pas à de la publicité.
"Est considérée comme propagande ou publicité, au sens du présent livre, une opération de communication effectuée en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou dudit service et susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne", selon l'amendement.
Qu'en pense Claude Evin ? Claude Evin, le directeur de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France s'est dit très inquiet par cet amendement, qui selon lui, permettra de "faire n'importe quoi en matière de pub". "Une association par exemple qui attaquera une publicité pour l’alcool devant les tribunaux devra, pour obtenir gain de cause, à la fois prouver que la personne faisant la promotion (même indirecte ou subtile) du produit y a un intérêt, mais aussi que cette 'opération de communication' est 'susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne'. Passons sur le fait que cette dernière phrase ne veut rien dire. Dans les faits, réunir ces deux critères sera impossible !", tempête-t-il au Parisien. En résumé, s'il n'y a plus aucune interdiction dès lors que le message ne ressemble pas à de la publicité la loi deivent contournable.
Le gouvernement temporise. Le gouvernement a donc tenté de rassurer en promettant que la loi ne serait pas changée. "Je veux dire mon incompréhension et ma préoccupation face à l'amendement qui remet en cause la loi Evin", a déclaré Marisol Touraine. "J'appelle chacun à prendre ses responsabilités, c'est-à-dire à ne pas changer la loi". Et d'ajouter : "le débat a eu lieu, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, entre ceux qui souhaitaient durcir et ceux qui souhaitaient assouplir la loi Evin", a relevé la ministre.
Plus tôt dans la matinée, le porte-parole du gouvernement Stéphane le Foll avait lui aussi tenté de calmer le jeu, préconisant d'en rester au statu quo sur la loi Evin. "Un amendement du Sénat revient sur cette question", mais "il faut faire très attention aux équilibres de la loi Evin. Dès qu'on rouvre ce débat, quelles sont les limites qu'on met ?", a mis en garde Stéphane Le Foll. Dès qu'on touche à ces "équilibres, on peut avoir des débats qui risquent d'aller beaucoup plus loin que ce qu'on souhaite".
Examiné lundi en commission à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la loi Macron, cet amendement pourrait donc être retoqué lors de la deuxième lecture de la loi à l'Assemblée.