Quelques mois après Notre-dame-Des-Landes, une nouvelle Zad, jusqu’alors moins médiatisée, vient de surgir sous les feux de l’actualité. Lundi matin, quelque 200 zadistes ont en effet été évacués par les gendarmes mobiles à Kolbsheim, commune située à l'ouest de Strasbourg. Les militants, installés depuis un an sur cette "Zone à Défendre", s'opposent à la construction du Grand contournement ouest (GCO), rocade autoroutière contournant la métropole alsacienne. Selon eux, ce projet mettrait en danger des espèces protégées et menacerait de nombreuses terres agricoles. Serpent de mer depuis les années 1970, ce projet a récemment obtenu le feu vert des autorités pour le début des travaux. Au grand dam des protecteurs de l'environnement.
Le GCO, toute une histoire !
Dans son historique, le grand contournement rivalise avec l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les deux projets sont nés en effet dans les années 1970. Abandonné et repris en main à plusieurs reprises, le GCO a été relancé à la fin des années 1990. Puis, François Hollande, une fois à la présidence de la République, en abandonne l'idée. Mais en 2013, le GCO revient en force avec une nouvelle configuration : deux voies, au lieu de trois auparavant.
Une rocade pour quoi faire ?
Le GCO a un objectif simple : délester l'autoroute A35 qui traverse l'Alsace du nord au sud. Avec ses 24 km, la rocade, portée par le géant du BTP Vinci, capterait le trafic aux abords de la capitale du Grand Est : "20.000 véhicules sur les 160.000" qui utilisent quotidiennement l'A35 sur sa portion strasbourgeoise, selon des chiffres fournis par Robert Herrmann, président de l'Eurométropole de Strasbourg. Kolbsheim, située à 16 km de Strasbourg, est directement concernée par le passage de la rocade, comme 21 autres communes.
Un projet qui a récolté de nombreux avis défavorables
Le 11 juillet dernier, le GCO a reçu un avis défavorable, le 7ème depuis l'annonce du projet. Cette fois-ci, la commission d'enquête chargée d'évaluer l'impact du nœud routier a retoqué la gestion de l'eau prévue par Vinci. Dans ses conclusions, l'instance a exprimé "des réserves sur la conception des bassins et le dimensionnement des bassins de rétentions ainsi que sur le calcul des surfaces à compenser", a rapporté Dernières Nouvelles d'Alsace. Des inquiétudes persistent aussi concernant la nappe alluviale et plusieurs hectares de forêts. L'association Alsace Nature avait dénoncé dans la foulée de cette décision "un projet qui commence à ressembler de plus en plus à une mauvaise farce".
Ce rapport défavorable était venu s'ajouter à un précédent en juin qui avait souligné en cas de réalisation du GCO "une augmentation des niveaux de pollution atmosphérique", "des impacts sur la consommation des espaces agricoles" et "des atteintes aux espèces protégées".
Des menaces sur l'environnement ?
Selon le milieu associatif, le GCO menace directement deux forêts ainsi que six corridors écologiques. Ces derniers, en connectant des réservoirs de biodiversité, permettent aux espèces animales de se déplacer dans des conditions favorables. De plus, ce sont "350 hectares de terres agricoles" qui vont être absorbés par la rocade, avait dénoncé cet été l'élu écologiste strasbourgeois Alain Jund. Selon le site gcononmerci.org, la mise en oeuvre de la rocade impacterait le crapaud vert, le blaireau ainsi que le grand hamster d'Alsace, espèce menacée de disparition. Bien que ce rongeur ait vu ses effectifs augmenter récemment (685 terriers comptabilisés en 2018 contre 523 en 2017), ces derniers restent insuffisants pour sauver l'espèce.
Les écologistes mobilisés
En août, ils s'étaient encore une fois mobilisés. Des écologistes avaient manifesté près de la ZAD de Kolbsheim afin d'interpeller le ministre de la Transition écologiste d'alors, Nicolas Hulot. "On n'imagine pas Nicolas Hulot valider ce projet", avait lancé l'eurodéputé EELV Yannick Jadot. "On n'imagine pas une seconde que le même Nicolas Hulot qui s'est battu, aussi avec nous, contre Notre-Dame-des-Landes, fasse le cadeau du GCO à Vinci, parce qu'il a bloqué Vinci à Notre-Dame-des-Landes", avait-il poursuivi Yannick Jadot. Un appel qui aujourd'hui n'a plus de sens puisque Nicolas Hulot a démissionné de son poste de ministre le 28 août dernier. Pour l'heure, le nouveau titulaire du poste, François de Rugy, ne s'est pas exprimé sur la question.
Robert Herrmann, président de l'Eurométropole de Strasbourg, a assuré de son côté que les mesures conservatoires imposées au concessionnaire dans l'autorisation garantissent "une préservation pleine et entière" de la flore et de la faune sauvages ainsi que des terres agricoles.
Le feu vert de la préfecture
Si les gendarmes mobiles ont évacué la ZAD dès 5 heures du matin lundi, c'est que le 31 août dernier, le préfet de la région Grand Est, Jean-Luc Marx, a donné son accord pour le lancement du chantier. Il a en effet signé deux arrêtés autorisant le concessionnaire Arcos (une filiale de Vinci) et la Sanef, en charge d'un échangeur, à engager les travaux. La première étape va consister en des opérations de déboisement et en des fouilles archéologiques. Concernant la Zone à Défendre, il avait prévenu : "je prendrai les mesures de maintien de l'ordre public qui s'imposent" pour mettre un terme à une occupation jugée illégale".