Près d'un Français sur deux (45%) se dit favorable à une légalisation du cannabis, selon une enquête publiée jeudi par l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), qui note une tolérance plus marquée de l'opinion envers ce psychotrope. Menée auprès de 2.001 personnes en décembre, soit deux mois après la légalisation effective du cannabis au Canada, l'enquête révèle que les Français sont encore une courte majorité à soutenir la prohibition, en se disant opposés à une légalisation dans l'Hexagone (54%).
Génération "fumeurs de joint"
Ce sondage marque une inflexion sensible de l'opinion ces cinq dernières années. Interrogés sur un éventuel modèle de régulation, 61% des Français s'opposent à une mise en vente libre du cannabis, au même titre que le tabac et l'alcool. En 2013, cette hypothèse recueillait 78% d'opinions défavorables, rappelle l'OFDT dans l'édition 2019 de son rapport quinquennal "Drogues et addictions, données essentielles". Des réticences de moins en moins marquées qui vont de pair avec l'arrivée à l'âge adulte d'une nouvelle génération de "fumeurs de joint", qui a conservé ses habitudes de jeunesse. Depuis 2000, "le nombre d'adultes rapportant un usage régulier a été multiplié par deux et cet usage s'observe au-delà de 25 ans, persistant désormais dans toutes les tranches", observe le rapport.
Chez les jeunes d'aujourd'hui, les expérimentations du cannabis "apparaissent plus tardivement", selon l'OFDT. Mais les adolescents restent les premiers usagers de ce psychotrope en France, dans un pays qui continue d'être le premier consommateur de cannabis en Europe. "En 2017, quatre jeunes de 17 ans sur 10 en avaient déjà fumé et une part non négligeable (8%) en avait consommé 10 fois ou plus au cours du dernier mois", détaille le rapport.
L'usage thérapeutique fait consensus
L'usage thérapeutique du cannabis, actuellement toujours interdit, bénéficie lui désormais d'un large consensus dans l'opinion. Plus de 9 Français sur 10 (91%) se déclarent favorables à une prescription "par les médecins dans le cadre de certaines maladies graves ou chroniques", selon l'OFDT. L'exécutif laisse pour sa part la porte ouverte à cette éventualité. Début avril, le Premier ministre Édouard Philippe a estimé qu'il serait "absurde de ne pas se poser la question" du cannabis thérapeutique. En décembre, l'Agence du médicament (ANSM) avait officiellement souhaité qu'une expérimentation du cannabis thérapeutique puisse être mise en place avant la fin 2019. Un blanc-seing qui excluait toutefois la prescription de joint ou de cannabis sous sa forme fumée, pour privilégier d'autres modes d'administration.