Chaque attentat est "un échec", a admis vendredi l'ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) Patrick Calvar, au procès des attentats du 13-Novembre, avant de se demander si nous sommes prêts "à aliéner notre liberté" pour être plus efficace contre "le fléau terroriste". Directeur des services de renseignement intérieur entre 2012 et 2017, Patrick Calvar n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat au cours de son témoignage devant la cour d'assises spéciale, lors de la dernière audience de l'année avant la reprise du procès le 4 janvier.
"Jusqu’où est-on prêt à aliéner notre liberté pour avoir plus de sécurité ?"
"La lutte contre le fléau terroriste est loin d'être terminée. Il va falloir faire un choix sur nos libertés. Jusqu’où est-on prêt à aliéner notre liberté pour avoir plus de sécurité ? Sachant que le risque zéro n'existe pas", a souligné à la barre l'ex-patron de la DGSI. "Qu'est-ce qu'on veut ? Plus de sécurité ? Plus de liberté ? Si on veut plus de sécurité, il va falloir entrer plus de technologie. C'est possible, mais il faut qu'on accepte plus de restrictions de nos libertés individuelles", a insisté le policier. "Le travail des services (de renseignement) est d'éviter la commission d'attentats et nous n'avons pu le faire. Tous ces attentats ont été des échecs pour nos services", avait reconnu auparavant Patrick Calvar, 66 ans, vêtu d'un costume sombre sur une chemise bleue, cheveux blancs et masque noir sur le bas du visage.
Pour autant, les différents services de renseignement travaillaient et se parlaient, a dit Patrick Calvar, déplorant surtout "le manque d'interconnexion" notamment au niveau européen. "Si vous voulez un contrôle aux frontières, ce n'est pas avec Frontex (l'agence européenne des frontières, ndlr) que vous le ferez", a-t-il dit.
Au matin du 13 novembre 2015, la DGSI avait formellement identifié 1.760 individus en zone irako-syrienne. "Nous avions 156 enquêtes ouvertes, 275 individus interpellés dont 131 écroués".
Les lieux fréquentés, une cible d'opportunité
"Nos mots ne consoleront jamais (les proches des victimes) mais je voudrais qu'elles comprennent qui nous étions, comment nous travaillions". Le Bataclan était-il particulièrement ciblé?, veut savoir le président Jean-Louis Périès. Cette question, plusieurs avocats des parties civiles l'ont posée aux divers enquêteurs venus témoigner au cours des quatre premiers mois de procès.
"Le Bataclan était malheureusement, tristement, une cible d'opportunité. Comme le Stade de France l'a été. Comme les terrasses l'ont été", affirme Patrick Calvar d'une voix posée. "A partir de quand la France est-elle devenue une cible prioritaire de l'Etat islamique", a demandé l'avocate générale Camille Hennetier. "Je pense que le terrorisme est la conjugaison d'une terre de jihad et d'un mal-être profond dans une société", lui a répondu le policier.