C'est une conclusion très attendue. Le tribunal de Paris rend lundi son jugement dans le procès fleuve du scandale sanitaire du Mediator, plus de dix ans après l’ouverture d’une première information judiciaire à la suite de révélations sur la toxicité de ce médicament. Utilisé dans le traitement du diabète de type 2 et détourné comme coupe-faim, il a été prescrit à quelque cinq millions de personnes pendant plus de trente ans. Le Mediator, pouvant provoquer de l’hypertension artérielle et des valvulopathies, n'a été retiré du marché qu'en novembre 2009.
Sur le banc des prévenus, il y a les laboratoires Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, poursuivis pour "tromperie aggravée", "escroquerie" et "homicides et blessures involontaires", ainsi que l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) pour "homicides et blessures involontaires" par négligence. 23 prévenus seront fixés sur leur sort lundi. En face, 6.500 personnes se sont constituées parties civiles. Après six mois d'audience, les victimes espèrent une condamnation ferme.
"Ces gens-là ont empoisonné ma mère"
"Ma maman a pris du Mediator depuis les années 1980, au départ juste pour perdre du poids. Cela a entrainé des dommages sur ses valves cardiaques et ça a été un long calvaire. Ces gens-là ont empoisonné ma mère", confie Ludovic Messiez-Petit. Au fil des audiences, le tribunal a tenté de comprendre comment ce médicament avait pu rester commercialisé trente-trois ans malgré les alertes sur sa dangerosité dès les années 1990.
Pour Ludovic Messiez-Petit, la responsabilité des laboratoires Servier ne fait aucun doute : "Quand on a assisté aux débats, on a vu toutes les expertises qui ont été faites, qui montrent que ce médicament était préjudiciable pour la santé et qu’il est resté en vente très longtemps. Si le Mediator peut servir de leçon pour que ça ne se reproduise pas, ce serait une bonne chose."
Le parquet demande 10 millions d'euros d'amende
Le parquet a notamment demandé 10 millions d'euros d'amende contre plusieurs sociétés appartenant au groupe Servier. "Pour que ce jugement ait un sens et que cela puisse ne plus jamais exister, il faut que la condamnation financière soit importante. Cela les fera réfléchir à deux fois avant de commercialiser un médicament dont ils connaissent la toxicité", explique Me Jean-Christophe Coubris, qui représente plus de 2.600 parties civiles.
L'avocat se réjouit du fait que le tribunal ait longuement laissé la parole aux victimes. "Ce qui m’a agréablement étonné, c’est l’attention qu’on leur a accordé. C’est très rare et ça permet d’apprécier la situation. J’ai la conviction que les laboratoires Servier ne peuvent pas échapper à une condamnation."