Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, généralisation des cours criminelles… Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a présenté mercredi en Conseil des ministres un projet de loi visant à "restaurer la confiance de Français" dans la justice. Examiné par les députés en première lecture à partir du 17 mai, il déjà très critiqué par magistrats et avocats. Invité de Frédéric Taddeï samedi matin sur Europe 1, le ministre de la Justice a détaillé les grands axes de sa réforme.
Des procès filmés et diffusés à la télévision
Si la réforme d'Eric Dupond-Moretti est adoptée en l'état, les audiences pourront être filmées et diffusées à la télévision. "Cela permettra à nos compatriotes qui n'ont plus confiance en la justice de mieux la connaitre et de mieux la comprendre", explique le ministre. Les procès filmés ne pourront toutefois pas être retransmis en direct. Il faudra attendre que le procès soit définitivement clos, sans possibilité d'appel, pour que les Français puissent le visionner. "Ceci est essentiel pour garantir la présomption d'innocence. Il ne faut pas qu'un procès médiatique viennent parasiter le véritable procès."
"Plein de précautions" ont été prises, précise par ailleurs Eric Dupond-Moretti, notamment en terme de droit à l'image. "Si une personne ne souhaite pas que son visage soit diffusé, il sera flouté." Pour les affaires relevant du domaine privé, les divorces par exemple, il faudra l'accord de toutes les parties pour que l'audience puisse être filmée. Dans les autres cas, c'est à la chancellerie et à la juridiction locale qu'appartiendra la décision.
Des enquêtes préliminaires plus encadrées
Eric Dupond-Moretti veut aussi "renforcer les droits des citoyens" en encadrant les enquêtes préliminaires : elles ne pourront durer plus de deux ans (trois sur autorisation du procureur) et les personnes visées doivent pouvoir y accéder facilement. "Aujourd'hui, ces enquêtes peuvent durer trois à quatre ans. Pendant toutes ces années, les suspects se réveillent sans savoir à quelle sauce ils vont être mangés", déplore le ministre. La limitation dans le temps des enquêtes préliminaires permettrait aussi selon lui d'éviter que des procès verbaux ne "filtrent" au fil des mois dans la presse. "D'autant que ce ne sont souvent pas les plus favorables aux suspects."
Les cours criminelles départementales généralisées
Le projet prévoit également, sans attendre la fin de l'expérimentation prévue pour 2022, de généraliser les cours criminelles départementales, composées de cinq magistrats professionnels, sans jury populaire. Mises en place pour désengorger les cours d'assises, elles jugent en première instance des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, majoritairement des viols.
Ces cours "fonctionnent bien", selon les remontées des magistrats et "de beaucoup d'avocats", argue le ministre. Il voit également dans le moindre taux d'appel enregistré par ces cours une "satisfaction" en hausse exprimée par les justiciables : selon ses chiffres, 21% des verdicts sont contestés, contre 32% auparavant pour les cours d'assises traditionnelles.