Frédérique Vidal décrit cet effort comme "le plus grand mouvement d'investissement en faveur de la science depuis la fin des années 1980". Porté par la ministre de l'Enseignement supérieur, le projet de loi de programmation de la recherche est débattu depuis dimanche à l'Assemblée nationale. Il prévoit notamment l'injection dans le monde de la recherche de 25 milliards d'euros programmés sur dix ans. Mais pour Cécile Agosta, chercheuse sur le climat antarctique et invitée de Patrick Cohen, mardi midi, "l'opposition des chercheurs porte sur le pointage de cet argent".
"Besoin de visibilité"
Si elle "ne peut que saluer les efforts pour mettre de l'argent dans la science", Cécile Agosta regrette le fait qu'il y ait "une espèce de chantage sur 'OK, on vous donne de l'argent, mais alors seulement si c'est plus de CDD et pas de postes permanents'". Car, décrit la chercheuse au Laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement, la France se caractérise aujourd'hui par des salaires relativement faibles au regard du monde anglo-saxon, mais des postes permanents plus stables.
"Une partie des recherches peut être liée à l'émulation mais, au niveau de la pérennité des emplois, on a besoin de visibilité", défend sur Europe 1 celle dont les travaux concernent la modélisation régionale de l'Antarctique, afin d'aider à reconstruire le climat passé à partir de carottes de glaces. "Le fait d'être en compétition pour manger et avoir son salaire fait perdre une quantité énorme d'énergie. On va chercher sans cesse de nouveaux projets, au lieu de faire avancer la science."
Une "fraude" liée à la précarité ?
Pour Cécile Agosta, cette insécurité professionnelle peut même "entraîner de la fraude scientifique" : "Quand on a toujours besoin d'avoir des projets, avec les meilleures notes, pour son propre salaire, on peut avoir tendance à orienter ses recherches vers les choses qui ont le plus de visibilité médiatique et pas forcément celles qui ont le plus de fond scientifique."
La chercheuse en sciences du climat dénonce plus globalement l'inspiration libérale de ce projet de loi : "L'accent est mis sur 'mettre plus de moyens'. Oui, mais seulement si c'est hyper compétitif, parce que le modèle du gouvernement est le modèle américain, vu comme moderne", pointe-t-elle. "Dans la recherche, ce que nous voyons comme la modernité est plutôt le fait d'avoir des postes de long terme."
Niveau élevé en France
Tout en demandant "plus de moyens dans la recherche pour travailler et avoir de nouveaux postes", Cécile Agosta affirme que "le choix d'avoir des salaires plus faibles mais de la visibilité attire énormément de chercheurs". Et que le niveau hexagonal est aujourd'hui loin d'être indigent : "L'accès aux concours est extrêmement difficile, l'âge moyen de recrutement au CNRS est de 35 ans", rappelle-t-elle. "En France, la barre est extrêmement haute."
En témoigne selon elle le classement de Shanghai 2020, dans lequel l'université de Paris-Saclay, à laquelle est rattaché le Laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement, se hisse au 14e rang mondial.