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Louise Sallé / Crédits photo : MAGALI COHEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Cela fait quatre ans, jour pour jour, que Samuel Paty a été assassiné. Sa mort avait suscité beaucoup d’interrogations sur la "protection fonctionnelle", une assistance juridique accordée aux professeurs en danger dont il n’avait pu bénéficier. 

Être sous protection fonctionnelle signifie bénéficier d’un avocat, être accompagné pour porter plainte, et être pris en charge psychologiquement, avec un suivi très régulier de la situation par le rectorat, en lien avec les services de police si la situation l'exige. Depuis la mort en 2020 du professeur d’histoire-géo, Samuel Paty, et face à la multiplication des agressions visant le corps enseignant, ces demandes de protection fonctionnelle ont explosé de 123%.

Plus de 5.000 requêtes en 2023

Elles ont atteint plus de 5.000 requêtes en 2023, année lors de laquelle elles ont bondi de 30% par rapport à 2022. Ces chiffres proviennent d’un récent bilan publié en septembre par le ministère de l’Éducation nationale. Ils prouvent que le dispositif est mieux connu et saisi par les enseignants. Cette protection est, par ailleurs, davantage accordée qu’avant - dans les trois-quarts des cas. Mais l’accompagnement qui s’ensuit n’est pas toujours efficace ou réactif partout de la même façon.

"Depuis Samuel Paty, il y a un changement total"

Vincent Loustau est directeur d’une école maternelle classée REP + (ndlr : réseau d’éducation prioritaire renforcé), dans un quartier sensible de Montereau en Seine-et-Marne, et secrétaire fédéral au sein de la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques. Il a demandé cette protection fonctionnelle à deux reprises dans sa carrière, avant et après le décès de Samuel Paty, et il a senti une différence de traitement entre ces deux situations par sa hiérarchie. 

"Il y a une douzaine d'années, un parent m'a agressé et menacé verbalement", raconte-t-il. "Il a proféré des insultes, s’est montré vulgaire, et a mis son poing sous ma figure", détaille le directeur. "Mon supérieur hiérarchique direct ne s'est pas déplacé dans mon école et n’a même pas pris la peine de m'appeler ne serait-ce que pour manifester son soutien moral", déplore Vincent Loustau. 

"Alors que pour la deuxième agression dont j’ai été victime, en 2021, par un homme qui a pointé son couteau vers moi, on a eu tout de suite la police qui a été présente, l’inspectrice est venue à l’école, des gestionnaires des ressources humaines de l’académie nous ont demandé comment on allait, si on voulait s’arrêter… On était bien entouré donc clairement, depuis Samuel Paty, il y a un changement total d’attitude", explique-t-il. 

Un travail plus étroit avec la police et une protection automatique

Layla Ben Chikh, principale d’un établissement REP dans l’académie de Nice, et membre du syndicat des personnels de direction SNPDEN a bénéficié de cette protection le mois dernier, après avoir été menacée par un père de famille devant son collège. Mais pour elle, le dispositif reste imparfait. "Il faudrait que le rectorat travaille de façon plus étroite avec la police pour assurer une présence préventive aux abords des établissements, c'est vraiment nécessaire", avance-t-elle. "On ne peut pas gérer la rue, vérifier à la fois qu’il n’y a pas de danger à l’extérieur et assurer l’accueil des élèves à l’intérieur", poursuit la principale.

"De plus, cette protection fonctionnelle doit être automatique : ce n'est pas aux personnels d’en faire la demande, il faudrait pouvoir l’attribuer directement dès lors qu’un professeur ou chef d’établissement est agressé ou menacé", ajoute Layla Ben Chikh. La situation exige, en effet, souvent une réponse urgente. Mais les délais de réponse moyens sont très longs : environ un mois par demande envoyée.