Que risque-t-on si l'on publie des photos de ses enfants sur Facebook ?

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Une jeune Autrichienne attaque en justice ses parents, qui refusent d'enlever des photos d'elle bébé. Que dit le droit en France ?

Le débat sur le respect de la vie privée sur les réseaux commence à s'immiscer sur le terrain juridique. Une Autrichienne de 18 ans a attaqué ses parents en justice après leur avoir demandé à maintes reprises, en vain, de retirer des photos d'elle enfant publiées sur le réseau social Facebook. Le procès est attendu pour novembre prochain. "Ils n'avaient aucune honte, aucune limite", raconte la jeune fille ce jeudi, dans les colonnes du journal autrichien Die Ganze Woche. "Ils se moquaient que je sois assise sur les toilettes, ou nue dans mon berceau. Chaque moment était photographié et rendu public", poursuit la jeune femme, qui assure qu'environ 500 photos d'elle ont été partagées avec plus de 700 "amis" de ses parents. Des clichés qu'elle n'a découverts qu'à l'âge de 14 ans, lorsqu'elle a créé son propre compte sur le réseau social.

>> Aucune affaire similaire n'a été, jusqu'à aujourd'hui, recensée en France. Mais que risquerait un parent si son enfant décidait d'imiter la jeune Autrichienne ? Décryptage.

Un an de prison, 45.000 euros. En France, la publication d'une photo d'une personne sans son accord est passible d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Il y a sept mois, la gendarmerie nationale avait d'ailleurs lancé une campagne de prévention sur le sujet. "Bon, certes, vous pouvez être toutes fières- ou fiers d'ailleurs - d'être une maman ou un papa de magnifiques bambins, mais attention ! Nous vous rappelons que poster des photos de ses enfants sur Facebook n'est pas sans danger ! Il est important de protéger la vie privée des mineurs et leur image sur les réseaux sociaux", avait prévenu la gendarmerie, dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.

Les parents peuvent s'attaquer mutuellement. "L’article 9 du Code Civil, qui porte sur le droit à l’image, explique que les parents sont en charge de protéger l’image de leur enfant", relève par ailleurs Me Viviane Gelles, avocate spécialisée en droit de l’Internet à Lille, contactée en 2015 par Madame le Figaro. "Lorsque le couple est séparé, les parents doivent se consulter et se demander mutuellement le droit de publier l'image. Faute de quoi, l’un comme l’autre peuvent se poursuivre en justice", poursuivait-elle.

Un mineur accompagné par un majeur (parents, avocats…) peut en effet aller en justice pour demander réparation après des photos publiées de lui sur les réseaux sociaux. Un parent peut également demander à l'autre de supprimer un compte sur les réseaux sociaux. Et c'est, d'ailleurs, déjà arrivé en France : le 2 septembre, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a, pour la première fois dans la jurisprudence française, condamné une mère à fermer le compte Facebook de sa fille.  Le père de la petite fille, âgée de 8 ans, réclamait cette condamnation lors de la procédure de divorce qui l’opposait à son ex-femme. La fréquentation du réseau social avait été considérée comme un obstacle au développement et à la socialisation de la petite fille.

Pour l'enfant, c'est plus compliqué. Un majeur, en revanche, ne peut pas attaquer ses parents s'ils ont publié des photos à l'époque où il était mineur. "Son action en justice n'est valable que si elle porte sur des faits qui ont eu lieu alors que l'enfant était déjà majeur", décrypte Etienne Drouard, avocat spécialisé en droit de l’informatique et des réseaux de communication électronique, interrogé par Atlantico en mars dernier.

Si les photos sont toujours visibles, l'enfant peut, toutefois, comme en Autriche, demander à les retirer. Et si les parents refusent ? Il peut alors attaquer ses parents, mais les chances de succès sont minces. "C'est possible dans l'absolu, mais très peu probable dans la vie réelle. Il faudrait apporter la preuve que l'enfant avait demandé expressément à ses parents de ne pas prendre la photo, de ne pas la mettre sur leur profil Facebook et de la retirer si elle y était quand même, le tout étant suivi d'un refus d'obtempérer des parents", résume Eric Barbry, avocat, directeur du pôle Droit numérique du cabinet Alain Bensoussan, également cité par Atlantico.

Les enfants plus soucieux de leur image que les parents. Le risque de ce genre de procès n'est toutefois pas à écarter complètement. Une étude de l'Université de Washington, relayée en mars dernier par le New York Times, affirme que les enfants sont deux fois nombreux que leurs parents à se soucier de leur image sur les réseaux sociaux. "Quand les enfants deviendront adolescents, ils vont voir l’empreinte numérique de leur vie d’enfant. Si, pour certains, cela ne posera pas de soucis, d’autres pourraient rencontrer des problèmes", écrit l'étude. Cette étude se base sur les premiers "parents Facebook", ceux qui ont été parents au moment de l'essor du réseau social. Comme le souligne l'université américaine, les enfants de ces parents grandissent. Et un jour, ils risquent de devenir de plus en plus nombreux à contester les images d'eux en couche culotte dans l'historique du "mur" de leurs parents.