On les appelle les "Covid longs". Ces patients ont contracté le coronavirus il y a parfois neuf mois et souffrent toujours. Si au départ les médecins ne les prenaient pas au sérieux, une étude de l'hôpital Hôtel-Dieu à Paris estime qu'ils représentent jusqu'à 30% des malades. Des patients qui subissent, toujours par à-coups, fatigue écrasante, troubles neurologiques, ou toux intense, alors qu'ils ont été infectés au mois de mars. Parmi eux, Alice, rencontrée par Europe 1, vit un véritable calvaire.
"C'est tellement douloureux qu'on en dort pas"
"La fatigue est terrassante, vraiment", témoigne cette ancienne marathonienne de 47 ans qui courait jusqu'à 60 kilomètres par semaine. "J'ai des rechutes si je fais trop d'activité. C'est une gêne respiratoire, des douleurs et des inflammations cutanées. C'est tellement douloureux qu'on en dort pas." Des mois après son infection, Alice a donc besoin, outre son médecin généraliste, d'être suivie par "un dermatologue, un pneumologue, un endocrinologue", et même un gynécologue. Car le coronavirus a provoqué chez elle des "bouleversements hormonaux hallucinants". L'ancienne sportive a d'ailleurs dû se faire opérer il y a deux semaines "de cet endroit".
Un "désordre physique" donc, mais aussi une souffrance psychologique : "on a l'impression d'être emprisonné dans un corps que l'on ne reconnaît plus. Cela crée beaucoup de chagrin, de moments de solitude et c'est surtout stressant d'avoir mal". Une souffrance qu'Alice vit au quotidien depuis désormais huit mois.
Un phénomène qui touche les patients atteints d'une forme bénigne au printemps
Afin de comprendre pourquoi des patients comme Alice souffrent le martyr depuis des mois, une équipe de l'hôpital Hôtel-Dieu à Paris a mené une étude sur 70 de ces patients. Et les soignants ont notamment pu dresser le portrait robot des "Covid longs" : ce sont généralement des jeunes, essentiellement des femmes, qui ont contracté une forme bénigne du virus, sans passage à l'hôpital donc. Mais des mois après leur infection, ils continuent de subir trois types de symptômes.
"D'abord une fatigue souvent terrassante, qui les a parfois obligés à interrompre à nouveau leur travail alors qu'ils l'avaient repris", indique au micro d'Europe 1 la professeure Dominique Salmon-Céron, qui a coordonné l'étude. "Ensuite, on a les signes neurologiques de troubles de concentration, de mémoire, des maux de tête aussi. Enfin, on a des signes cardiothoraciques, c'est-à-dire de la toux, des douleurs, des variations du rythme cardiaque". Des symptômes auxquels s'ajoutent parfois une perte à nouveau de l'odorat, des troubles digestifs ou des problèmes de peau.
L'ESSENTIEL CORONAVIRUS
> Coronavirus : quel calendrier pour la vaccination en France ?
> Ces trois facettes du coronavirus dont vous n’avez peut-être pas entendu parler
> Covid : faut-il s'inquiéter si les maux de tête persistent après la guérison ?
> Quand est-on cas contact ? Et autres questions que l'on se pose tous les jours
> Coronavirus : les 5 erreurs à ne pas commettre avec votre masque
Des causes encore floues et un virus encore présent dans l'organisme
Si le profil type d'un "Covid long" est donc relativement précis, les causes de la durée des symptômes restent encore assez floues. Les chercheurs en sont encore au stade des hypothèses, mais l'étude leur a permis de se rendre compte que 10% des 70 patients avaient encore du virus dans les sécrétions nasales quatre mois après leur infection. Preuve que le Covid peut perdurer pendant plusieurs semaines dans l'organisme. Pour 90% des autres patients, les soignants essayent de déterminer si le coronavirus a pu survivre autrement, ailleurs dans le corps.
Mais ces pistes ne sont pas les seules, loin de là : possible réinfection, terreau génétique fertile pour le Covid-19... les recherches continuent pour comprendre le phénomène et, in fine, y mettre un terme. Pendant ce temps, les autorités de santé commencent elles aussi à étudier le cas des "Covid longs", mais cette fois-ci pour mettre au point un meilleur accompagnement de ces malades et aussi les reconnaître en tant que tel.
De leur côté, certains "Covid longs" n'ont pas attendu pour se regrouper. C'est ainsi qu'est née en octobre dernier l'association "AprèsJ20 Covid-long en France", une association qui vise à fédérer et à mieux informer les malades et leurs proches sur cette forme longue du coronavirus. L'association travaille également à la mise en place d'un parcours de soins multi-disciplinaires.