Qu'est-ce que les Soulèvements de la Terre, le collectif que va dissoudre Gérald Darmanin ?

Les Soulèvements de la Terre
Les Soulèvements de la Terre sont nés en janvier 2021 dans l'ex-ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes. © ALAIN PITTON / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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avec AFP / Crédit photo : ALAIN PITTON / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
Ce mardi, Gérald Darmanin a annoncé qu'il présenterait mercredi en Conseil des ministres le décret de dissolution du collectif écologiste les Soulèvements de la Terre (SLT). Celui-ci est devenu l'un des acteurs principaux de la contestation écologiste "radicale" qui revendique des actions d'occupation ou parfois de sabotage au nom de la défense de l'environnement.

Les "Soulèvements de la Terre", dont le Conseil des ministres va prononcer mercredi la dissolution, est un jeune mouvement, devenu l'un des acteurs principaux de la contestation écologiste "radicale", qui revendique des actions d'occupation ou parfois de sabotage au nom de la défense de l'environnement.

Un mouvement "hétérogène" né à Notre-Dame-des-Landes

Les Soulèvements de la Terre sont nés en janvier 2021 dans l'ex-ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes, avec deux objectifs : "lutter contre l'artificialisation et contre l'accaparement agro-industriel", détaille pour l'AFP Benoît Feuillu (un pseudonyme), un des porte-parole du mouvement et ex-militant de Notre-Dame-des-Landes, selon une source policière. "On est un mouvement, une coalition d'organisations, d'habitants de territoires en lutte, de syndicats, de fermes, de paysans..." soit "une coalition relativement hétérogène", revendique-t-il.

 

Il s'agit d'un groupement "de fait", c'est-à-dire pas formellement déclaré comme association. Son fonctionnement se veut horizontal, avec des comités locaux mobilisés sur des projets emblématiques. "Lors des assemblées générales qui ont lieu deux, trois fois par an, les groupes locaux présentent leurs luttes et leurs besoins et une décision collective est prise: est-ce que les Soulèvements s'y impliquent et pour y faire quoi?", explique Nicolas Girod, porte-parole jusqu'en mai de la Confédération paysanne, associée sur certaines actions. Au menu de la "saison 5" (mars-septembre 2023): après la bassine de Sainte-Soline et le projet d'autoroute Castres-Toulouse, ont été visés l'exploitation du sable dans la région nantaise et plus récemment le projet ferroviaire Lyon-Turin. Un grand rassemblement est prévu début août sur le plateau du Larzac.

Accusations de violence

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le 28 mars avoir engagé la procédure de dissolution du mouvement, qu'il a rendu responsable d'affrontements violents à Sainte-Soline lors d'une manifestation interdite contre les retenues d'eau. Le ministre leur reproche "plusieurs envahissements d'entreprises, exactions fortes contre les forces de l'ordre, destructions de biens, des centaines de gendarmes ou de policiers blessés, plusieurs appels à l'insurrection". "Depuis plusieurs mois", il y a "une forme de radicalisation des modes d'action de la sphère environnementaliste", note une source policière. Cette stratégie, née du "constat d'un certain échec des marches sur le climat comme de contestation de type citoyenne", privilégie "l'idée d'une action rapide et radicale", ajoute-t-elle en citant les groupes Dernière Rénovation, Just Stop Oil, Extinction Rebellion ou Les Soulèvements de la terre.

Certains militants vont, "comme on l'a vu à Sainte-Soline, préparer des cocktails molotov, des pierres, des objets faits pour blesser ou dégrader gravement", ajoute une autre source policière, évoquant des "profils très déterminés", "relativement jeunes", mais ayant déjà, pour certains, "plusieurs luttes" à leur actif. Les Soulèvements revendiquent pour leur part le recours au sabotage (nommé "désarmement") contre des infrastructures jugées néfastes, comme des sites du cimentier Lafarge. Un mode d'action popularisé en France par le livre "Comment saboter un pipeline" du militant anticapitaliste suédois Andreas Malm. "On ne se décrit pas en soi comme un mouvement pacifiste, après très clairement on n'appelle pas, nous n'avons jamais appelé et nous n'appellerons pas à nous attaquer à des personnes", précise Benoît Feuillu.

Radicalisation des militants ?

La nouveauté du recours au sabotage est toutefois à relativiser, estime Sylvie Ollitrault, directrice de recherche au CNRS, qui rappelle le démontage d'un restaurant McDonald's ou le fauchage d'OGM de José Bové. "Faucher des OGM il y a une vingtaine d'années c'était aussi perçu comme un sabotage", rappelle-t-elle. Pour l'une des sources policières, la nouveauté est la "multiplication des contestations sur des projets de plus basse intensité, par exemple une bretelle d'autoroute ou un entrepôt Amazon". Sur ces contestations locales, le "niveau de violence monte désormais très vite", ajoute-t-elle.

Ailleurs en Europe, des centaines de procédures judiciaires sont en cours contre Letzte Generation (Dernière génération) en Allemagne pour troubles à l'ordre public comme des blocages de la circulation. Des perquisitions au sein de cette mouvance ont eu lieu en Allemagne en mai.

"Coexistence" avec d'autres mouvances

Le ministère de l'Intérieur estime que les Soulèvements ont été fondés par des "membres de l'ultragauche", étiquette que récuse le mouvement. Pour Sylvie Ollitrault, il faut distinguer les militants de la cause environnementale des militants autonomes ou d'ultra-gauche, même s'ils ont pu se côtoyer. "Il y a eu des lieux de creuset, de socialisation commune de cette génération, que sont les mouvements altermondialistes d'un côté et les ZAD de l'autre" - voire le mouvement contre la réforme des retraites - mais "c'est souvent plus une coexistence qu'une inclusion".

Les Soulèvements revendiquent une base "extrêmement variée". Une soirée de soutien en avril a attiré diverses personnalités politiques, artistiques et scientifiques, dont la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte - qui a cependant manifesté sa "complète incompréhension" en juin après une action visant des maraîchers.