"La mission était un succès, mais nos deux soldats n'étaient plus. Ils étaient morts en héros pour la France." Emmanuel Macron a rendu mardi, depuis les Invalides, un hommage national aux deux militaires Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, tués en libérant des otages au Burkina Faso. Leur sacrifice interpelle, et invite à s'interroger sur la nature de l'héroïsme. Qu'est-ce qu'être un héros au XXIe siècle ? Europe 1 a posé cette question au philosophe Emmanuel Jaffelin.
Ces deux hommes sont des héros "parce qu'ils ont commis quelque chose d'héroïque : ils ont abandonné leur vie", explique cet enseignant au micro de Matthieu Belliard, dans Le grand journal du soir sur Europe 1. "Alors que nous, nous considérons la vie comme sacrée, eux sont capables de se dire que ce qui est plus sacré, c'est de risquer la sienne pour défendre celle des autres."
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L'héroïsme, une forme de spiritualité laïque
En qualifiant ces deux commandos Marine de "héros", le président de la République jette donc un éclairage sacré sur leur geste. "C'est une religiosité cryptée. Il y a quelque chose d'anoblissant de dire, des militaires qui ont été tués, qu'ils sont des héros", souligne Emmanuel Jaffelin. "Étymologiquement, le mot 'héros' veut dire demi-dieu. Qu'Emmanuel Macron et Florence Parly [la ministre des Armées, ndlr] disent : 'Ces héros ont donné leur vie', c'est une forme de retour au religieux dans un monde hyper laïc", poursuit cet ancien diplomate.
"C'est dire que ces gens ne sont pas morts, mais qu'on leur reconnait, après leur décès, une glorification, une vie spirituelle et collective, une vie qui leur donne une place dans la société, parce qu'ils ont permis à quatre personnes de sauver leur vie", poursuit-il. La mort de Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello n'est donc pas seulement une mort qui sauve, elle est également une mort qui inspire. "Ce qu'ils ont fait nous donne confiance en nous". Or, n'est-ce pas le propre du héros que de servir de modèle ?
Un sacrifice qui redonne du sens au quotidien
Ce sacrifice est encore accentué aux yeux du public du fait que les conflits armés sont désormais rares en occident. "On est devenu très froid, très aseptisé, on est également devenu très peureux. Autrefois, au Moyen Age, les gens savaient qu'ils n'allaient pas vivre vieux, qu'ils allaient combattre, mourir. Nous, nous avons tendance à croire que l'on est immortel", pointe Emmanuel Jaffelin, toujours au micro d'Europe 1. De là, la stupeur provoquée par la mort de ces deux hommes au combat, et la volonté de rendre hommage à leur geste, érigé en exemple.
À l'inverse, en temps de guerre, les sacrifices de centaines, voire de milliers de soldats, sacrifices parfois tristement routiniers quand les conflits s'éternisent, ne font pas nécessairement l'objet d'un tel recueillement. "Aujourd'hui, parce que l'on vit dans un monde pacifiste, pacifique et pacifié, quand nos militaires meurt on veut les survaloriser", observe Emmanuel Jaffelin. Un geste, "digne et très spirituel" selon lui, précisément parce qu'il permet de redonner du sens aux notions de courage et de sacrifice, notions devenues parfois lointaines dans notre quotidien.
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