Greta Thunberg ne paye pas de mine, du haut de ses 16 ans avec ses tresses de petite fille sage encadrant son visage rond. Pourtant, cette adolescente suédoise n'a pas peur de se confronter aux les dirigeants politiques du monde entier. En effet, quand elle durcit le regard et qu’elle prend la parole, Greta Thunberg entraîne des milliers de jeunes dans sa lutte acharnée pour le climat. De passage en France, elle participait vendredi à la marche étudiante pour le climat, à Paris, pour réclamer des mesures fortes de la part des dirigeants en faveur de la planète. Elle a même, à cette occasion, était reçue à l'Elysée par Emmanuel Macron.
Autisme, dépression et sit-in
Née en 2003, Greta Thunberg a grandi au sein d’une famille d’artistes : sa mère est chanteuse d’opéra et son père acteur, lui-même fils d’un acteur et réalisateur. À onze ans, la jeune fille est diagnostiquée du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme qui s’accompagne de difficultés dans les interactions sociales. Renfermée, Greta Thunberg plonge à l’adolescence dans une grave dépression. Le combat pour le climat sera sa porte de sortie.
Le 20 août 2018, Greta mène sa première grève. Alors que la Suède a connu un été particulièrement chaud et marqué par d’importants incendies, la jeune fille décide d’alerter son gouvernement pour qu’il respecte ses engagements de réduction d’émission de gaz à effet de serre pris dans le cadre de l’accord de Paris. Sa méthode : les sit-in. Tous les jours jusqu’au 9 septembre, date des élections législatives, elle s’assied plusieurs heures devant le parlement suédois au lieu d’aller à l’école, avec un slogan : "Skolstrejk för klimatet" (grève étudiante pour le climat). Une action très vite relayée par les médias suédois.
Discrète dans la vie, féroce à la tribune
Après les élections, Greta retourne à l’école mais continue sa grève une fois par semaine, le vendredi. En parallèle, elle adopte un mode de vie respectueux de l’environnement en devenant végétalienne et en refusant de prendre l’avion. Elle parvient même à convaincre sa famille d’en faire autant. "Je veux mettre en pratique ce que je dis", a-t-elle simplement expliqué à l’AFP. Au fil des semaines, la jeune fille acquiert une renommée internationale. D’autres étudiants imitent sa grève du vendredi, en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas et même jusqu’en Australie.
" Peut-être que mes petits-enfants me demanderont pourquoi vous n’avez rien fait "
"Vous n'avez plus d'excuses et nous n'avons plus le temps". Le combat de Greta Thunberg prend une autre dimension le 14 décembre 2018, quand elle est invitée à prendre la parole à la COP 24, qui se tient à Katowice, en Pologne. Du haut de ses 15 ans, et même si elle n’en paraît que 11 à cause de sa petite taille, la Suédoise fait forte impression à la tribune. "En 2078, je célébrerai mon 75ème anniversaire et si j’ai des enfants, ils fêteront peut-être ce jour avec moi. Peut-être qu’ils me parleront de vous, qu’ils me demanderont pourquoi vous n’avez rien fait quand il était encore possible d’agir", assène-t-elle face aux chefs d’État lors de la journée de clôture.
Peu bavarde en interview, Greta Thunberg lâche ses coups dans ses discours. "Notre biosphère est sacrifiée pour que les riches des pays comme le mien puissent vivre dans le luxe. Ce sont les souffrances du plus grand nombre qui paient pour le luxe du plus petit nombre", dénonce-t-elle à Katowice. "Vous n'avez plus d'excuses et nous n'avons plus le temps", presse la jeune fille. Un mot d’ordre qu’elle répètera fin janvier lors du prestigieux Forum de Davos. "La maison brûle (…) Les adultes disent qu'il faut donner de l'espoir aux jeunes. Je ne veux pas de votre espoir mais je veux que vous commenciez à paniquer", ordonne-t-elle presque aux leaders du monde économique.
Icône d’une génération
Désormais, Greta Thunberg est embarquée dans un tour d’Europe, en train évidemment. Son objectif : convaincre les jeunes, qui sont déjà des dizaines de milliers dans le monde entier à répliquer sa grève des cours, de s’engager pour la planète et, surtout, de faire pression sur les politiques. "Les gens nous disent qu'ils ont de l'espoir, que les jeunes vont sauver le monde. Mais on ne va pas le faire. Car il ne reste plus assez de temps, on ne peut pas attendre que nous grandissions et prenions le pouvoir", a-t-elle affirmé lors d'une conférence sur la renaissance de la société civile organisée par les institutions européennes jeudi. "Nous savons que la plupart des politiciens ne veulent pas nous parler. Bien. Nous ne voulons pas leur parler non plus. Nous préférons qu'ils écoutent les scientifiques", a-t-elle osé en conférence de presse par la suite.
"C’est mon héroïne". Dans toutes les villes où elle s’arrête, Greta marche au milieu de la foule, pas devant. La jeune fille ne se met pas en avant. Elle admet elle-même qu'elle "n'aime pas parler aux gens". "Je ne parle que lorsqu'il faut le faire", raconte-t-elle. Ce qui n’empêche pas les jeunes de l’ériger en icône. "C’est mon héroïne. Elle ne parle pas beaucoup mais ce qu’elle dit est très fort. Il ne faut pas crier, simplement communiquer calmement pour dire qu’on a peur", explique à Europe 1 Adelaïde, une des meneuses de la grève étudiante de Bruxelles.
À Paris, environ un millier d’adolescents ont rejoint Greta Thunberg pour défiler depuis l’Opéra. Portant des pancartes "Le futur commence ici", "Sauve la Terre, mange un lobbyiste", "Water is coming" et scandant les slogans "On est plus chaud que le climat" ou "Rejoignez-nous, ne nous regardez pas", ces jeunes ont été rejoints par quelques personnalités comme Juliette Binoche, l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot ou la maire de Paris Anne Hidalgo.
Grève mondiale le 15 mars. La mobilisation en France, encore timide (plus de 7.000 jeunes étaient mobilisés jeudi à Bruxelles), n’entame pas la combativité de Greta Thunberg. "Il y a beaucoup de pays, dont la Suède d'ailleurs, où la grève n'est pas très importante. Parfois une centaine de grévistes, parfois aucun. À ces enfants-là, je veux dire que c'est notre avenir qui est en jeu, c'est à nous de décider si nous voulons agir ou pas", martèle-t-elle au micro d’Europe 1. Consciente que sa voix est désormais écoutée, la Suédoise appelle à une "grève mondiale pour le futur" le 15 mars. "Nous devons faire entendre notre voix et nous battre. Parce que si personne d'autre ne fait rien, il faut que nous nous agissions."