L'affaire Fillon n'est désormais plus entre les mains du parquet national financier. Qualifiée d"'incompétente" par les avocats du candidat LR à l'élection présidentielle tout au long de l'enquête, la juridiction spécialisée a rendu sa décision vendredi. Un mois après le début des investigations sur les soupçons d'emplois fictifs de l'épouse et des enfants de François Fillon, une information judiciaire a été ouverte pour "détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel, ainsi que trafic d'influence et manquement aux obligations déclaratives." Comme l'a révélé Mediapart, l'instruction a été confiée aux juges Aude Buresi, Stéphanie Tacheau et Serge Tournaire.
Info Mediapart. Les juges TOURNAIRE, BURESI et TACHEAU désignés pour instruire le dossier #FILLON.
— Michel Deléan (@michel_delean) 27 février 2017
Une juge chargée du dossier Front national… La première a déjà croisé la route d'une autre candidate à l'élection présidentielle. En avril 2014, Aude Buresi s'est vu confier, aux côtés de Renaud Van Ruymbeke, l'instruction de l'enquête sur les soupçons de fraude dans le financement des campagnes - législatives et présidentielle - de 2012 du Front national. En janvier 2016, les deux juges ont entendu Marine Le Pen comme témoin assisté, un intermédiaire entre le simple témoin et la mise en examen. La juge d'instruction du pôle financier est également à l'origine de la mise en examen de Bernard Squarcini, l'ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur, notamment pour "entrave aux investigations", "trafic d'influence" et "détournement de fonds publics".
Le nom de Stéphanie Tacheau est, lui, moins associé aux dossiers politico-financiers d'envergure. Elle a notamment été chargée de l'enquête sur le crash aérien de Charm-el-Cheick, en 2004. Plus récemment, la magistrate a été saisie de l'information judiciaire ouverte par le PNF sur les soupçons de dopage et de corruption dans le monde de l'athlétisme, selon Le Parisien.
… Un autre spécialiste des "affaires Sarkozy". Mais des trois juges désignés dans l'affaire Fillon, le plus célèbre est de loin Serge Tournaire, l'un des plus expérimentés du pôle financier, qu'il a rejoint en 2009. Très peu présent dans les médias dont il refuse systématiquement les sollicitations, le magistrat est connu comme le loup blanc à droite. Il a notamment instruit le dossier de l'arbitrage Tapie, annulé par la justice, et celui du système présumé d'achat de voix à Corbeil-Essonnes.
Qualifié d'"intransigeant" et "teigneux" par des avocats interrogés par Le Point, Serge Tournaire est surtout le "spécialiste" des affaires Sarkozy. Il s'est ainsi penché sur le dossier du financement libyen de la campagne de l'ancien candidat UMP à l'élection présidentielle et celui des "sondages de l'Elysée". On le retrouve également à l'origine des conversations téléphoniques enregistrées entre Nicolas Sarkozy, alias Paul Bismuth, et son avocat, Thierry Herzog. Début février, il a enfin ordonné, contre l'avis de Renaud van Ruymbeke, le renvoi de l'ancien président devant la justice dans l'affaire Bygmalion. Trois semaines à peine, donc, avant d'être saisi de l'encombrant dossier de son ex-Premier ministre.
Une mise en examen peu probable avant la présidentielle
Depuis vendredi, les trois magistrats instructeurs désignés ont la possibilité de convoquer François Fillon à tout moment en vue d'une éventuelle mise en examen ou d'un placement sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Mais le calendrier, extrêmement serré, rend une telle hypothèse peu probable avant le premier tour du scrutin, le 23 avril. Après avoir un temps indiqué qu'il renoncerait en cas de mise en examen, le candidat LR à de toute façon annoncé qu'il ne renoncerait pas à se présenter, quelle que soit l'avancée du dossier judiciaire.