Cette fois, il ne sera qu'un simple témoin. Accusé à tort du meurtre de deux enfants pendant 15 ans, Patrick Dils va assister au procès de Francis Heaulme à partir de mardi, près de trente ans après sa propre condamnation dans le même dossier. Une démarche qui pourrait raviver de douloureux souvenirs chez cet homme brisé, qui entreprend, depuis son acquittement, de rattraper le temps perdu.
Premier mineur condamné à perpétuité. On se souvient d'un adolescent longiligne à l'air apeuré, dans le box des accusés. En 1986, Patrick Dils s'est accusé, à six reprises, des meurtres de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, dont les corps avaient été retrouvés au bord d'une voie ferrée, à Montigny-lès-Metz. Des aveux répétés devant les gendarmes, puis lors d'une reconstitution, malgré les hésitations du garçon, alors âgé de seulement 16 ans. Après coup, il expliquera avoir confessé les crimes sous la "pression" des enquêteurs, qui lui auraient soufflé le déroulement des faits.
Premier mineur de France condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1989, Patrick Dils a passé quinze années en prison malgré sa rétractation dans une lettre au juge d'instruction, écrite avant son premier procès. Deux autres ont suivi, en révision, pour aboutir à un retentissement acquittement, le 24 avril 2002 : pour les enquêteurs, le double meurtre de Montigny portait la "quasi-signature criminelle" de Francis Heaulme, dont la présence sur les lieux des crimes était prouvée depuis quelques années.
Un million d'euros d'indemnisation. Quinze années de plus ont passé, et l'adolescent aux cheveux roux a vieilli. Lors de ses procès, Patrick Dils avait lui-même accepté d'être pris en photo et filmé, pensant que la médiatisation servirait sa cause. En sortant de prison, il n'a pas cessé de répondre aux sollicitations des radios, journaux et chaînes de télévision. Tantôt sur sa nouvelle célébrité, dans Libération : "Les gens me connaissent et je ne connais personne." Tantôt sur ses projets pour l'avenir, dans l'Est Républicain : "Ouvrir un restaurant, ou une pâtisserie." En 2003, l'État a été condamné à lui verser un million d'euros d'indemnisation pour l'erreur judiciaire dont il a été victime.
En 2010, on le retrouve à Belfort, non pas pâtissier mais magasinier cariste dans une fabrique de casseroles. Interrogé par VSD, le quadragénaire collectionne toujours les timbres, comme sa mère. Une philatélie en partie responsable de ses ennuis judiciaires : c'est pour chercher des enveloppes dans des poubelles qu'il s'était approché du lieu des meurtres d'Alexandre et Cyril, en 1986. Au magazine, il présentait également sa compagne, de 22 ans sa cadette, "fan d'affaires criminelles" et victime d'attouchements sexuels dans son enfance, tout comme lui en prison.
Des conférences sur son expérience. Le couple, parents d'une petite fille, s'est depuis marié et installé en Gironde. Patrick Dils participe toujours à des conférences sur son expérience dans des universités. "Le temps qu'on me sollicitera, je le ferai", expliquait-il à France Bleu en 2015. "Cela représente une histoire, cela représente un drame, quelque chose qui ne pourra pas s'effacer. On doit essayer de s'en servir pour éviter l'irréparable."
Tandis que France 2 prépare un téléfilm sur son histoire, Patrick Dils a pansé ses plaies, au point de faire passer l'apaisement des proches des enfants tués avant le sien. "Si je suis satisfait, ce n'est pas tant pour moi que pour les familles des victimes", a-t-il affirmé au Républicain Lorrain lorsque Francis Heaulme a été renvoyé devant les assises. Et de poursuivre : "Cette affaire me dépasse un peu à présent. J'ai construit une famille, c'est ma priorité. Je ne suis pas à l'affût des dernières informations, j'essaie d'avancer même si je garde toujours un oeil sur le passé."