«Quoicoubeh», «apanyae»... Comment les ados créent leur propre langage sur les réseaux sociaux

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Ces deux expressions devenues virales sur le réseau social Tiktok. © MARIJAN MURAT / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP
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Ophélie Artaud
Rendues virales à travers des vidéos publiées sur le réseau social TikTok, ces expressions sont dans la bouche de beaucoup d'adolescents depuis plusieurs semaines. Une manière pour les jeunes générations de jouer avec les mots et les codes de la langue française, et de participer, à leur manière, à l'évolution du langage.

"Quoi ?", "quoicoubeh !" Depuis quelques semaines, cette expression est dans la bouche de tous les ados, qui l'utilisent à longueur de journée pour se moquer gentiment de leurs camarades de classe, leurs parents ou leurs professeurs. Parti du réseau social chinois TikTok, il s'agit d'un nouveau défi lancé par les plus jeunes. Le concept est simple : piéger son interlocuteur, en l'obligeant à dire "quoi ?" ou à utiliser un mot avec le son "quoi", pour lancer "quoicoubeh !" Même chose pour un autre terme à la mode "apanyae" : le but est de dire quelque chose d'incompréhensible, pour que l'interlocuteur demande "hein ?", et lui répondre "apanyae".

Sans que ces expressions aient de réelles significations, elles sont utilisées par de nombreux jeunes et font un carton sur TikTok. Pour preuve, les vidéos avec le hashtag "quoicoubeh" ont été vues plusieurs dizaines de millions de fois sur le réseau social chinois. S'il s'agit d'un simple jeu à la mode, c'est aussi une manière pour les adolescents de s'amuser avec la langue et les mots.

Une manière pour les jeunes de "s'identifier à un groupe"

Sans forcément créer leur propre langage, les jeunes jouent avec le vocabulaire pour créer ou redonner un sens à des termes. C'est le cas pour des expressions comme "askip", "bail", "bader", "miskine"... "Les ados ont parfois besoin de désigner de nouvelles choses, mais utilisent aussi la langue pour s'identifier à un groupe", analyse Auphélie Ferreira, enseignante en Sciences du langage à l'Université Sorbonne Nouvelle. "Cela leur permet de s'intégrer à un groupe d'amis, voire de s'identifier à une génération au sens large."

Mais c'est aussi pour les adolescents, "une manière de se distinguer des adultes, de ne pas pouvoir être compris des membres extérieurs du groupe, ce qui se fait par exemple beaucoup au collège, où on s'amuse de voir le professeur ne pas comprendre ce qui est en train de se dire", ajoute l'enseignante en Sciences du langage. "Ils sont aussi dans un âge où ils se sentent un peu plus libres de jouer avec la langue et ses injonctions. C'est le moment où on s'affirme, on se cherche et on veut se distinguer des membres extérieurs et des personnes plus âgées ou qui ont de l'autorité."

"Chaque génération invente ses codes"

Un phénomène qui n'est pas propre à cette génération, mais qui semble plus visible car il est "démultiplié par les réseaux sociaux" et ne se cantonne plus à la cour du collège ou du lycée. "On le voit davantage car c'est écrit, ça reste, et il y a beaucoup plus d'interactions entre différents groupes sur les réseaux sociaux", reprend Auphélie Ferreira. Pour autant, "les jeunes ont toujours joué avec les mots et chaque génération invente ses codes. La langue est en constante évolution."

Une constante évolution visible notamment à travers les nouveaux mots du dictionnaire. En 2023, le Petit Robert a ajouté les termes "gênance", "chiller" ou encore "go" (pour désigner une jeune femme ou une petite amie), tellement utilisés par les jeunes qu'ils sont entrés dans le langage courant. De là à dire que "quoicoubeh" ou "apanyae" entreront un jour dans le dictionnaire, rien n'est moins sûr.