Les préjugés racistes et antisémites ont très légèrement augmenté en France en 2019 par rapport à 2018, selon la CNCDH, qui publie jeudi son rapport annuel. Selon la Commission national consultative des droits de l'Homme, les Français sont globalement bien plus tolérants qu'il y a quelques années. L'"indice de tolérance" des Français est ainsi de 66 sur 100, contre 53 en 2013. Mais les actes racistes, antisémites ou xénophobes sont en forte hausse au vu des chiffres du renseignement territorial. "Il y a donc un travail à faire à tous les niveaux de la société pour lutter contre ce racisme. Les choses s'améliorent mais il y a encore beaucoup de travail", estime Jean-Marie Burguburu, le président de la CNCDH, invité d'Europe 1 jeudi.
Le rapport révèle un paradoxe sur le racisme anti-noir
Dans l'édition 2019 de ses travaux "sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie", la commission relève un paradoxe : "Alors que la minorité noire est avec la minorité juive celle qui a la meilleure image", selon son baromètre sur la tolérance des Français, "elle est en butte au quotidien à des préjugés offensants et des discriminations nombreuses". "Sur les réseaux sociaux ou dans les stades, s'exprime un racisme antinoirs extrêmement cru, animalisant et violent, construit par opposition à une norme blanche", constate-t-elle encore dans ce rapport remis jeudi matin au Premier ministre.
Un racisme anti-noir qui se nourrit de biais issus de la période coloniale et du fantasme du corps noir et aux conséquences concrètes. Ainsi, plus de la moitié des descendants d'immigrés de l'Afrique subsaharienne ressentent un sentiment d'injustice à l'école lié à leur couleur de peau. Une personne noire sur deux dit avoir subi des discriminations au travail. Et une personne noire a 32% de chance en moins de trouver un logement. "Il y a des réflexes de racisme", résume le président de la CNCDH. "Et il y a la notion de 'racisme impensé', un racisme 'sans s'en rendre compte'. Il faut lutter contre cela également", ajoute-t-il.
Un taux de relaxe plus important concernant les actes racistes
Pour autant, la plupart de ces actes racistes échappent à la justice. Il s'agit le plus souvent d'atteintes orales difficiles à prouver, et très peu de procédures sont engagées, ce qui décourage les victimes de porter plainte. C'est pourquoi la CNCDH émet dans son rapport des recommandations au gouvernement, notamment sur l'accueil des plaintes. "Porter plainte lorsqu'on est victime d'un acte raciste, c'est difficile. Et si on se décide à y aller, il faut être bien reçu dans un commissariat qui ne va pas vous dire 'écoutez, ce n'est rien, ce n'est pas grave, c'est un acte quotidien, ce n'est pas un acte raciste'. Si. C'est un acte raciste, et c'est une infraction", souligne le président de la CNCDH.
Lorsqu'une personne porte plainte pour acte raciste, il faut aussi qu'elle fournisse des preuves. "Lorsque ce sont des injures racistes verbales, c'est bien sûr très difficile s'il n'y a pas un témoin digne de foi qui peut apporter la preuve. Mais il faut que le parquet poursuive, et que l'affaire vienne au tribunal", appuie-t-il. En France, la commission estime que plus d'un million de personnes ont été victimes d'une atteinte raciste, hors seules 6.603 affaires ont été transmises à la justice l'an dernier pour 393 condamnations au total.
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Jean-Marie Burguburu constate ainsi qu'au tribunal, alors que "le taux de relaxe globale pour les affaires correctionnelles est de l'ordre de 7%", le taux de relaxe "en matière d'actes racistes" est de "16%". "Je m'interroge, moi qui suis avocat : les magistrats n'ont-ils pas une certaine propension à juger que ce n'est pas trop grave, que ça n'est pas vraiment constitué ?". Les actes racistes "sont constitués même avec des actes verbaux", martèle-t-il. La commission rappelle ainsi la nécessité de former policiers, gendarmes et magistrats aux contentieux racistes pour encourager les victimes à s'exprimer.
En France, note enfin la CNCDH, les Noirs occupent "encore trop souvent une place subalterne dans la société française". Ainsi elle relève "une distribution fonctionnelle des tâches avec une surreprésentation des personnes noires dans les métiers peu qualifiés" : femmes de ménages, nourrices, aides-soignantes pour les femmes; éboueurs, vigiles, tâches très physiques pour les hommes.
Comment y mettre fin ?
Dans ses recommandations, elle enjoint donc les pouvoirs publics "de développer des enquêtes permettant de mieux connaitre les discriminations"; de développer les outils comme les testings, "en particulier dans les services publics, les commissariats et les gendarmeries."
La CNCDH conseille donc de lancer des "campagnes de communication contre les stéréotypes envers les personnes noires, notamment en montrant leur diversité sociale, économique et professionnelle". Il faudrait "axer davantage les programmes scolaires sur les racines multiculturelles de la France et leurs apports à la culture nationale", selon la CNCDH qui recommande au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) "d'encourager la représentation des hommes et des femmes noires, y compris dans des fonctions d'expertise."