C’est ni plus ni moins qu’un coup de semonce qu’a envoyé le Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) aux dirigeants du monde entier lundi dans son rapport. Ces experts mandatés par l’ONU y enjoignent les "décideurs politiques" à tout faire pour limiter à 1,5 degré le réchauffement climatique, sous peine de "changements profonds voire irréversibles" sur la planète. Pour l’heure, si tous les pays signataires respectaient l’accord de Paris trouvé en 2015, le réchauffement serait de l’ordre de 3 degrés à la fin du siècle. Autant dire que les efforts à fournir par les Etats sont considérables pour limiter les émanations de gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement.
Ce cri d’alarme est aussi destiné aux peuples. Car pas un habitant de la planète n’échappera aux conséquences fâcheuses, sinon désastreuses, du réchauffement climatique. Et il y a, selon les scientifiques du Giec, un gouffre entre un réchauffement global de 1,5 degré et un de l’ordre de deux degrés. Si l’objectif était rempli dans les décennies à venir, alors plusieurs bouleversements majeurs de nos vies pourraient être évités.
Des canicules à répétition
Si rien n’est fait, la canicule qu’a connue la France à l’été 2018 deviendra la norme dans les décennies à venir. Selon le Giec, les hausses de température extrêmes seront en moyenne de 3 degrés avec une trajectoire de hausse de 1,5 degré, de quatre degrés supplémentaires avec une trajectoire à 2 degrés. Le mercure pourrait donc grimper plus souvent au-dessus des 40 degrés, à la limite donc du supportable.
Par ailleurs, si le scénario à 2 degrés continue de s’écrire, alors 28% de la population mondiale sera exposée à au moins une vague de chaleur extrême dans les 20 prochaines années. Ce serait seulement 9% en cas de réchauffement global d’1,5 degré.
Des moustiques toute l’année
L’hiver a ses désagréments, mais il a au moins un mérite : faire disparaître, provisoirement bien sûr, les moustiques de nos vies quotidiennes. Sauf que le réchauffement climatique fait bien l’affaire de ces petits insectes qui n’aiment rien tant que gâcher nos soirées d’été ou provoquer des insomnies par leur agaçant bourdonnement. Or beaucoup d’entre nous le constatent : alors que le mois d’octobre est bien entamé, les moustiques sont encore là. Pour qu’ils disparaissent, il faut qu’il fasse, durablement, moins de 15 degrés la nuit et 23 le jour. Or, le mois de septembre a été particulièrement doux.
Inutile d’être scientifique pour comprendre qu’avec le réchauffement climatique, l’été se prolongera de plus en plus. Et avec lui, les piqûres de moustique. Surtout en ville. "Il n’est pas rare d’en apercevoir désormais en novembre ou décembre en milieu urbain car ils trouvent suffisamment de chaleur pour survivre et d’eaux stagnantes dans le métro, les caves ou les parkings pour se développer", explique au Parisien Stéphane Robert, créateur du site Vigilance moustiques. Si l’on veut que les culicidés respectent la trêve hivernale à l’avenir, il faut absolument circonscrire le réchauffement.
La fin des vacances au ski…
Si le ski n’est pas une pratique universellement répandue en France, le voyage vers les stations est une tradition. Mais il va sans doute falloir aller de plus en plus haut pour trouver de la neige dans le futur. Grâce à un relevé nivométéorologique effectué depuis 1960, l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique, qui collabore avec le Giec, a ainsi pu constater qu’entre 1990 et 2017, la hauteur moyenne de neige a baissé de 39 centimètres au Col de Porte en Chartreuse, situé à 1.325 m d’altitude. Cela peut sembler peu, c’est pourtant considérable, et très inquiétant pour les stations de moyenne montagne. Sans changement, les lieux pour skier en France vont se raréfier. Avec toutes les conséquences prévisibles pour l’économie de ces territoires.
Et la haute montagne est elle aussi d’ores et déjà impactée. Un exemple : il n’a pas gelé au Pic du Midi (2.877 m dans les Pyrénées) entre le 14 juin et le 1er octobre. Soit 108 jours consécutifs de relevés positifs, du jamais vu depuis que la température y est enregistrée, soit depuis… 1882. Autre signe inquiétant : les équipes de France de ski alpin, qui avaient l’habitude de s’entraîner sur le glacier de Tignes au mois d’octobre pour préparer la saison à venir, ont été obligés de s’exiler en Autriche cette année, pour cause de manque de neige.
…Et à la plage
Moins de neige d’un côté, montée des eaux de l’autre. Les lieux de vacances les plus prisées des français seront donc touchés par le réchauffement. Car l’une des conséquences, c’est la montée des eaux. Si le scénario 1,5 degré est tenu, la mer gagnera en moyenne entre 26 et 77 centimètres sur les terres. Si le réchauffement est de deux degrés, ce sera 10 centimètres de plus. Négligeable ? Pas vraiment, puisque cela impactera 10 millions de personnes supplémentaires dans le monde.
Et en France, les conséquences concrètes se font déjà ressentir. Lacanau, une station balnéaire située sur la côte Atlantique, à l’ouest de Bordeaux, a déjà lancé des projets pharaoniques pour… faire reculer son front de mer de près de 165 mètres. Une anticipation dont d’autres communes devront peut-être s’inspirer dans un avenir proche.
Et pour ceux qui ont les moyens d’aller passer des vacances sur des îlots paradisiaques, qu’ils en profitent. Car des îles du Pacifique aussi renommées que les Maldives, les îles Marshall et d’autres îles de Polynésie sont menacées de disparition pure et simple.
Des conséquences dramatiques sur le vivant
La limitation du réchauffement climatique est surtout cruciale pour les populations les plus défavorisées. "Limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré réduirait le nombre de personnes vulnérables à la pauvreté par plusieurs centaines de millions d'ici 2050", explique ainsi Hans-Otto Pörtner, co-président de la session du Giec qui a réuni chercheurs et représentants des Etats pendant une semaine en Corée du sud.
Par ailleurs, la biodiversité, déjà malmenée depuis des décennies, pourrait encore pâtir, plus largement, cette fois, du réchauffement. Le Giec, qui s’est penché sur le cas de plus de 100.000 espèces, a prévenu qu’en cas d’augmentation de 1,5 degré, 8 % des plantes, 6% des insectes et 4% des vertébrés perdraient la moitié de leur habitat et seraient ainsi menacés d’extinction. Si c’était deux degrés, alors c’est 13% de la surface de la Terre qui devrait changer d’écosystème.