Oubliez les compléments d’objet direct (COD) et indirect (COI), place désormais au "prédicat". Si le mot date des années 1930, cette notion grammaticale a été introduite en septembre dernier dans les nouveaux programmes. Un changement qui provoque une levée de boucliers de la part de plusieurs parents et enseignants.
Le prédi... quoi ? Non, cette notion n’est pas la toute dernière invention des linguistes. Elle est notamment enseignée depuis plusieurs années au Québec, par exemple. "Dans une phrase comme ‘Tom chante une chanson’, le sujet, c’est ‘Tom’. Qu’est-ce qu’on dit de Tom ? Qu’il chante une chanson. ‘Chante une chanson’, c’est le prédicat de la phrase", explique Delphine, qui enseigne en CM2. Les COD ou COI ne disparaissent pas, mais ces nuances, jugées trop complexes, sont désormais apprises plus tard, à partir de la 5e.
"Si on ne distingue plus les différents compléments, comment va-t-on apprendre aux élèves à accorder des participes passés ?", se demande sur un blog de Télérama Lucie Martin, une enseignante qui a participé à une formation en grammaire. "Réponse de l’inspection : 'alors si, lorsqu’on aborde ces questions d’accords, il faut enseigner aux élèves les différents compléments'. Donc, si j’ai bien saisi, il faut enseigner uniquement sujet et prédicat… sauf qu’il faut aussi parfois enseigner les compléments parce que cela reste nécessaire. Ah", s’interloque-t-elle.
Pas la seule nouveauté. Et cette notion de prédicat n’est pas le seul changement. Les compléments circonstanciels de temps ou encore de lieu sont eux aussi remplacés par une seule et même appellation : le complément de phrase.
En #Grammaire les nouveaux programmes introduisent la notion de prédicat. Le prédi quoi? Explications pic.twitter.com/8DGhxkJg4E
— Julien Roux (@JulienRoux_) 7 janvier 2017
"Les parents vont être déboussolés". "Que va-t-on faire lorsqu’on voit le cahier de notre enfant ? Je pense que les parents vont être déboussolés, vont bien comprendre qu’ils ne peuvent pas les accompagner et je pense que c’est aussi ce qui fait qu’il y a de la défiance entre l’école et les familles", regrette Valérie Marty de la Fédération des Parents d’Élèves de l’Enseignement Public (PEEP). Le maire de Cannes, David Lisnard (LR), a même réagi sur Twitter, fustigeant un "nivellement par le bas" de l'éducation.
Le prédicat remplace les COD-COI, le nivellement par le bas continue au détriment des plus modestes, Jules Ferry trahi par les pédagogistes.
— David Lisnard (@davidlisnard) 7 janvier 2017
Pas vraiment appliqué... "Depuis toujours, [le latin] réserve une place de choix au ‘prédicat’ sans que cela soulève la moindre protestation…", juge cependant Christophe Chartreux sur son blog. Et les parents peuvent se rassurer : tout ne va pas changer d’un seul coup. Certains professeurs ont eux aussi du mal à se faire aux réformes, qu’ils jugent parfois inutiles. "Même dans nos nouveaux manuels de collège, ceux édités exprès cette année, rien n’a changé ! Les notions de prédicat ou de complément de verbe sont à peine mentionnées", note Lucie Martin.