Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, généralisation des cours criminelles… Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti présentera ce mercredi en Conseil des ministres un projet de loi visant à "restaurer la confiance" dans la justice. Sa réforme sera examinée par les députés en première lecture à partir du 17 mai. "Il y a de vrais sujets, mais qui sont traités de manière extrêmement indigente, par le bout de la lorgnette", dénonce Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, mercredi matin sur Europe 1. Elle accuse les services d'Eric Dupond-Moretti d'avoir travaillé "à la va-vite, dans un but politique".
Restaurer la confiance dans la justice
Le texte présenté par l'ancien avocat pénaliste se fonde sur "un constat assez saisissant" : la défiance des Français dans leur institution judiciaire, a expliqué la Chancellerie, citant notamment un sondage de février qui montre qu'"un Français sur deux" n'a pas confiance en la justice.
"Il y a bien besoin de la restaurer, cette confiance, mais pas avec ce projet de loi tel qu'il est décliné et écrit", a insisté Sarah Massoud. "La très grande majorité des professionnels de justice sont effarés par ce texte, parce que plutôt que de restaurer la confiance, il va instaurer la défiance envers l'institution judiciaire."
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La fin des remises de peines automatiques, "la pire disposition de ce projet de loi"
Parmi les principaux points de ce projet de loi, Eric Dupond-Moretti veut supprimer les crédits "automatiques" de réduction de peine, qui ne seraient désormais plus accordés qu'au mérite, c'est-à-dire sur décision du juge en fonction du bon comportement des détenus. "C'est la pire disposition de ce projet de loi", selon Sarah Massoud, qui juge que "ce n'est pas du tout un message positif qui est renvoyé à travers cette mesure".
Elle s'explique : "ce dispositif, mis en place en 2004 par la droite, est extrêmement pragmatique : pour toutes les nouvelles peines de prison, il y a des crédits automatiques. Donc si jamais le détenu se comporte mal, ne paye pas les parties civiles, outrage ou violente des surveillants pénitentiaires, il y a la possibilité pour le juge de supprimer ces réductions de peine. C'est une espèce de carotte qui permet aux prisons d'être régulées, aux surveillants d'avoir la paix et d'éviter du travail supplémentaire pour les juges et l'administration pénitentiaire. Avec la nouvelle mesure, il va falloir passer devant un juge dès qu'il y a un problème ! Vous imaginez la charge de travail supplémentaire ?", s'interroge, interloquée, la magistrate.
"Ce qu'il manque, ce sont des moyens"
Dans le texte figure également la possibilité de filmer et de diffuser les audiences à la télévision une fois que les décisions seront rendues. "C'est une décision sur laquelle je suis favorable, car je pense qu'il faut absolument que la justice soit plus lisible, plus compréhensible. On emploie parfois un vocabulaire compliqué et ce n'est pas facile de rentrer dans une salle d'audience. Donc pour le coup, c'est une belle idée", juge Sarah Massoud. Avant de nuancer : "sauf que les modalités et la manière dont est écrit le texte sont extrêmement floues sur des points très importants, notamment sur qui va donner l'autorisation de filmer les procès, quels procès et dans quelles conditions".
"Ce qu'il manque, surtout, ce sont des moyens", conclut la secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. "La justice est pauvre, et pour qu'on restaure cette confiance, il faut d'avantage de juges, de greffiers, de psychologues, d'éducateurs, du temps d'audience…"