Pour que les règles cessent d’être un tabou. Deux députés, Laëtitia Romeiro Dias (LREM) et Bénédicte Taurine (LFI), ont présenté un rapport parlementaire visant à rendre les règles moins angoissantes pour les femmes. En parallèle, Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé la tenue d’une expérimentation sur la gratuité des protections hygiéniques dans certains lieux collectifs, avec un budget d’un million d’euros. Invitée jeudi matin d'Europe 1, Gaëlle Baldassari, auteure de Kiff ton cycle, revient sur le tabou des menstruations.
Un tabou ancestral
Gaëlle Baldassari est formatrice, coach diplômée en approche neurocognitive comportementale. Elle souhaite faire tomber le tabou autour des règles. Actuellement, 1,7 million de femmes souffrent de "précarité menstruelle", une expression qui désigne notamment un manque d'accès aux protections hygiéniques. "C'était une urgence absolue et une source de discrimination énorme dans la société. On parle de 8.000 à 23.000 euros dépensés dans toute une vie pour des protections périodiques", rappelle Gaëlle Baldassari. "Le tabou se retrouve dans toutes les religions, on peut imaginer que c’est quelque chose de très ancestral. Le fait que les femmes puissent saigner sans mourir, sans avoir eu d’accident, a très vite interpellé. C'est un tabou universel, mais il ne tient qu’à nous de le faire évoluer", poursuit-elle.
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Informer dès la classe de sixième
Parmi les 47 propositions du rapport parlementaire figure la volonté d'installer une campagne d'information sur les menstruations dès la classe de sixième. "50% des jeunes filles ont leurs premières règles à leurs 12 ans", souligne Gaëlle Baldassari. "Mais on en parle beaucoup trop tard : on est complètement 'out' dans la présentation des informations aux jeunes filles."
Pour l'auteure, il est nécessaire d'en parler très tôt. "Certaines jeunes filles commencent à avoir leurs règles à la fin du CM2", constate-t-elle. "Il serait très intéressant d’en parler avant. Quel est l’intérêt de le faire au moment où cela se produit, alors que c’est un phénomène physiologique que des enfants pourraient tout à fait comprendre ?", interroge-t-elle.
Pour mieux informer et diminuer l'angoisse liée aux règles, il serait important pour Gaëlle Baldassari de distinguer les enseignements physiologiques de ceux sur la sexualité. "L’âge médian du premier rapport sexuel des jeunes filles c’est 17 ans, alors que celui de leurs premières règles, c’est 12 ans", analyse-t-elle. "Il est essentiel de commencer à parler de la physiologie, bien avant les rapports sexuels. Lorsqu’on lie les deux, les filles ne s’approprient pas forcément le phénomène pour elle, comme quelque chose qui va les accompagner toute leur vie, au-delà des problématiques de reproduction." Elle prône ainsi un cours de biologie bien en amont d'un cours d'éducation sexuelle. "C'est quelque chose qui fonctionne dans notre corps, sans avoir de sexualité", rappelle l'auteure.
Se servir de son cycle pour réaliser ses objectifs
Le rapport évoque aussi la question de la réglementation des produits hygiéniques ou encore la meilleure prise en compte de l'endométriose. "Ce n’est pas normal d’avoir mal, qu’une femme se présente chez un médecin et qu’elle soit reçue avec l’information 'c’est un peu normal d’avoir mal pendant ses règles'. L’utérus est un muscle, il se contracte pour évacuer la muqueuse de l’endomètre au moment des menstruations, donc on peut avoir des douleurs, des sensations de petites contractions mais ce n’est pas ce qui amène à consulter. Si elle consulte, il y a un problème et il faut s’en saisir", déplore Gaëlle Baldassari.
Si psychologiquement, il n'existe aucune différence entre une femme et un homme, certaines différences physiologiques pèsent lourd. "On vit un cycle menstruel qui est éludé. Chacune doit se débrouiller", dénonce l'auteure. "J'ai fait une enquête auprès de 2.400 femmes, 87% d’entre elles expliquent vivre des variations psychologiques au cours du cycle, mais elles sont seules avec ça, personne n’en parle."
Au cours de ses formations et de ses conférences, Gaëlle Baldassari tente de former les femmes, adultes ou mineures, à vivre leurs cycles autrement. "On peut s’appuyer sur le fonctionnement du cycle menstruel, qui fonctionne comme un gestionnaire de projet interne, pour pouvoir réaliser nos objectifs", explique-t-elle. "Aujourd’hui on lutte contre, on perd de l’énergie, de la confiance en soi. Quand on se sent nulle un quart du mois, c’est difficile de se sentir bien le reste du temps quand on ne nous a pas expliqué ce qui se passait. Alors que quand on l’explique, les femmes me disent qu’elles reprennent confiance en elles, qu’elles s’aiment à nouveau et qu’elles ont envie de faire de grandes choses."