Dimanche dernier, un détenu incarcéré dans l'unité de prévention de la radicalisation de la maison d'arrêt d'Osny, dans le Val-d'Oise a attaqué à l'arme blanche deux agents pénitientiaires. Du côté de la Chancellerie, on indique que malgré tout, l’expérimentation des cinq unités de déradicalisation se poursuit. Le premier bilan doit avoir lieu vers le mois d'octobre.
120 places en France. Aujourd’hui, 80 détenus sont incarcérés volontairement dans ces unités, sur 120 places disponibles, pour une durée maximum de six mois pendant lesquels ils suivent des cours de sport, pour la maîtrise de la violence, mais échangent également avec des psychologues ou des professeurs pour faire émerger leur esprit critique, et remettre en cause leur convictions radicales.
Des cas "irrécupérables". Mais dans la pratique, certains sont loin de respecter le contrat. "Les détenus ne participent à presque aucune activité, à part les promenades et les séances de sport. Il faut savoir que les détenus sont payés pour participer aux séances de sport, à hauteur de 2 euros la séance", explique David Lacroix, délégué FO pénitentiaire à Lille-Annoeullin. "On les paye pour qu’ils participent un peu". Au-delà du sport, l’immense majorité refuse les rencontres avec les psychologues ou les conseillers d’insertion : "Ça ne porte pas ses fruits. Les détenus rechignent aux entretiens ou ne jouent pas le jeu. […] A Annoeullin nous avons les détenus les plus radicalisés, donc les plus ancrés dans leur système d’idéologie. Il ne fallait pas s’attendre à des miracles. Ils sont arrivé irrécupérables, et ils sortiront irrécupérables", déplore-t-il.
"On a toujours des doutes." À l'inverse, les 18 détenus d'Osny comptent parmi les moins dangereux des prisonniers radicalisés. Pourtant, c'est bien là qu'a eu lieu l'agression de dimanche, par un détenu qui n'avait fait l'objet d'aucun signalement particulier, d’où l'inquiétude des personnels pénitentiaires. "Ils commencent à se demander s’ils n’ont pas travaillé en vain", relève Jérôme Nobécourt, délégué syndical à Osny. "Nous avions théoriquement affaire a des détenus potentiellement déradicalisables. On voit aujourd’hui qu’il est très difficile de définir qui peut sortir de cet engrenage et qui n’est pas déradicalisable. […] on a toujours des doutes."
Un risque de prosélytisme. En juillet, la contrôleur générale des prisons, Adeline Hazan, a rendu un avis défavorable dans son rapport après avoir visité ces unités. "Beaucoup disent qu’ils se sentent exclus, stigmatisés, qu’ils ne souhaitent pas être dans ces unités. C’est un risque de radicalisation supplémentaire, cette impression d‘être stigmatisé, étiqueté. Il faut bien voir que ces détenus-là ne verront que des détenus qui sont radicalisés eux-mêmes, il peut y avoir des risques de prosélytisme. Ce regroupement me semble porteur de plus de dangers que d’avantages", conclut-elle.
Plus de temps. Néanmoins, le député de la circonscription dont dépend l'unité d'Osny, Philippe Houillon, souhaite de son côté laisser du temps à l'expérimentation. "Il ne faut pas se précipiter, parce qu’il y a un outil qui est mis en place et qui est pertinent. Dans le même temps, oui, ce sont des gens dangereux, oui, ce sont des gens qui simulent et une partie d’entre eux, malgré l’outil mis en place, va commettre un certain nombre d’attentats ou tenter de le faire. La réponse c’est une surveillance accrue, donc des moyens. Et puis, il faut s’inscrire aussi dans la durée, pour voir, même si ça n’a des résultats que pour une partie de cet effectif, l’efficacité du dispositif", explique-t-il.
Disperser les détenus. En attendant, l'administration continue à tester tous azimuts, et notamment une méthode radicalement opposée, celle de la dispersion pour les détenus radicalisés ou en voie de l’être. On est donc loin, encore, d'avoir la bonne solution.