Vous avez déjà beaucoup entendu parler des déserts médicaux mais il existe aussi de nombreux déserts vétérinaires en France. Ces professionnels font part d'un grand mal-être. D'après une récente étude de l’Ordre national des vétérinaires, publiée en mai, il y aurait trois à quatre fois plus de risques de suicide pour les vétérinaires que dans la population générale. Un problème notamment pour les éleveurs puisque de moins en moins de vétérinaires ruraux peuvent assurer le suivi médical obligatoire de leur bétail. Europe 1 a suivi l’un de ces résistants dans sa course entre clinique et exploitations, autour de Cussy-les-Forges dans l'Yonne.
"Je n'ai pas eu le temps." Une phrase répétée, tout au long de la journée. Les visites s’enchaînent et les kilomètres s’accumulent. Dans l’équipe de Marc Arbona, quatre vétérinaires, au lieu de huit, ne comptent pas leurs heures pour fonctionner normalement. Quatre acharnés pour s’occuper de plus de 50.000 vaches.
"On est noyés. J’ai 45 ans, je n’ai pas souvenir d’avoir une période où tout le monde était épanoui… C’est catastrophique", témoigne-t-il.
"Ça ne s’arrête jamais"
Entre deux soins, une urgence : la naissance d’un veau… chez Claude. "Tout le monde a une crainte, il y a un manque de vétérinaire", regrette Claude. L’éleveur usé garde les yeux vifs et une combinaison élimée. "C’est tout pour nous ! C’est tout ! Il y a l’amitié, le conseil, l’acte pratique… Quand ils sont à 50 kilomètres, ils ne peuvent pas être ici et malheureusement ça nous est déjà arrivé d'attendre une matinée entière et le soir le veau était crevé", lance-t-il.
À la fin de l'intervention, retour à la clinique pour Marc. "Ça ne s’arrête jamais, jamais, jamais. La grande majorité d’entre nous est divorcée, on vit seul, nos familles nous voient passer, elles nous appellent en 'coup de vent' la plupart du temps... C’est comme ça que mon fils m’appelle", raconte-t-il.
"On a tous des copains dépressifs, malades, suicidés..."
"On a tous des copains dépressifs, malades, on a des copains suicidés, on a tous ça", ajoute-t-il. Selon l'enquête menée avec l'aide de l'Université de Bourgogne Franche-Comté, sur un échantillon de 300 vétérinaires, soit environ 20-25% d'entre eux, 4,7% de vétérinaires ont eu des pensées suicidaires dans les trois derniers mois.
"C’est très compliqué de se prévoir un planning pour l’extérieur et c’est très pesant sur le moral", confie Élodie. À l'âge de 29 ans, elle est la seule à avoir opté pour la médecine vétérinaire rurale en sortant d'école. "C’est vrai que je suis très dévouée à mon boulot mais est-ce que ça durera toute la vie comme ça ? Je ne pense pas, parce que je n’aurais pas forcément l’énergie mais pour l’instant je donne tout, on verra bien !"
Difficile d’être malade, de poser des vacances et "si l’un de nous s’en va", lâche Marc Arbona, "les autres arrêteront aussi".