Des mobilisations plus familiales et en regain. Avec la quatrième journée d'action contre la réforme des retraites samedi, les syndicats espèrent se faire entendre enfin de l'exécutif, faute de quoi ils se disent prêts à "mettre la France à l'arrêt" le 7 mars. Les manifestations ont rassemblé 963.000 personnes en France, dont 93.000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur. La CGT a recensé de son côté 500.000 personnes dans le cortège parisien, et "plus de 2,5 millions" au niveau national.
Quelle que soit la source, les chiffres sont supérieurs à ceux de la journée précédente du 7 février (près de 2 millions, selon la CGT et 757.000, selon les autorités). Avant le départ du défilé dans la capitale, les leaders des huit principaux syndicats ont confirmé leur appel à un cinquième acte le 16 février. Ils se sont aussi dits prêts "à durcir le mouvement" et à "mettre le pays à l'arrêt le 7 mars" si le gouvernement et le Parlement "restent sourds" aux mobilisations.
"Si on ne se bat pas maintenant, ça va devenir de pire en pire", estime au micro d'Europe 1 une manifestante parisienne. "Il ne faut pas se laisser faire. Si on se laisse faire, on est mort. Les gens qui ne luttent pas ont déjà perdu. Donc nous, il faut qu'on lutte", renchérit un autre mécontent.
>> LIRE AUSSI - Réforme des retraites : à Strasbourg, les familles et les salariés du privé présents dans la manifestation
Selon Philippe Martinez (CGT), "la balle est dans le camp" de l'exécutif", son homologue de la CFDT Laurent Berger ajoutant que "ça laisse un peu de temps s'ils veulent réagir". Pour le numéro 1 de la CFDT, il s'agit de "faire des rassemblements devant les entreprises, des opérations ville morte" et non d'être "dans la logique de grève reconductible".
Des manifestations sans incidents majeurs
Mais l'intersyndicale à la RATP (CGT, FO, UNSA, CFE-CGC) a d'ores et déjà appelé samedi à la première grève reconductible du mouvement, à partir du 7 mars. La CGT cheminots envisage de faire de même. En province aussi, les cortèges ont rassemblé plus de monde que le 7 février, avec un écart croissant entre les chiffres des autorités et des syndicats, en particulier à Marseille (entre 12.000 et 140.000) et Toulouse (entre 25.000 et 100.000). Sur des pancartes dans les défilés, on pouvait lire "Macron, arrête tes calculs, on sait que tu nous plumes", "je ne suis pas Dalida, je ne veux pas mourir sur scène" ou encore "Pour la retraite de la réforme".
>> LIRE AUSSI - «C'est plus simple le week-end» : de nouveaux profils attendus pour la première journée de mobilisation un samedi
Comme les fois précédentes, les défilés se sont déroulés globalement dans le calme, hormis quelques incidents à Rennes ou Paris. 10.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés, dont 4.500 dans la capitale, où huit personnes ont été interpellées, selon un bilan provisoire. Dans les airs, un vol sur deux a été annulé à Orly en raison d'une grève imprévue de contrôleurs aériens.
Les trois premières journées d'action ont réuni entre 757.000 et 1,27 million de personnes selon les autorités (entre près de deux millions et plus de 2,5 millions selon l'intersyndicale), sans infléchir l'exécutif sur la mesure-phare de la réforme, le recul de l'âge légal de départ à 64 ans. Depuis Bruxelles, où il participait à un sommet européen, le président Emmanuel Macron avait semblé regarder ailleurs jeudi, plaidant pour que "le travail puisse se poursuivre au Parlement", sans que la contestation "bloque (...) la vie du reste du pays".
"Monsieur Macron se trompe de pays"
Les syndicats soulignent au contraire le risque d'une radicalisation de la base et aussi d'une forme de "désespérance sociale" qui se traduise par un vote d'extrême droite dans les urnes. "Monsieur Macron, s'il compte sur l'usure, se trompe de pays", a jugé à Marseille le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, estimant que sa manière d'agir est "une incitation à la violence". "Si le gouvernement n'entend pas (la mobilisation) c'est très grave" a jugé dans le cortège lillois Fabien Roussel (PCF).
Les syndicats réclament qu'à l'Assemblée, l'article 7, qui porte la mesure d'âge, puisse faire l'objet d'un vote. Mais rien n'est moins sûr, alors que les députés de la Nupes ont déposé des milliers d'amendements, débattus dans une ambiance tumultueuse. "On veut voir qui va effectivement se prononcer pour ou contre" la mesure d'âge, a déclaré Philippe Martinez, indiquant que les syndicats comptent "interpeller dès aujourd'hui" les parlementaires de l'arc républicain pour qu'ils mesurent "leur responsabilité".
Outre la journée du 16 février - où les leaders de l'intersyndicale ont prévu de manifester ensemble à Albi - et le point d'orgue du 7 mars, alors que le texte sera arrivé au Sénat, les syndicats envisagent aussi des actions pour le 8 mars, journée des droits des femmes, "pour mettre en évidence l'injustice sociale majeure de cette réforme".