Accusations de conflit d'intérêt avec les assurances, cumul de fonctions interdit par la Constitution... Fragilisé, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye n'exclut pas de démissionner pour préserver la réforme des retraites dont il est l'artisan et qui est contestée de toutes parts.
"Si j'estimais, que je suis devenu un sujet de fragilité, j'en tirerais les conséquences"
Il y a déjà "pensé", a-t-il lâché vendredi dans Libération. Un nouvel épisode au feuilleton démarré quatre jours plus tôt avec les révélations du Parisien sur sa déclaration d'intérêts. "Ce n'est pas à moi de juger mais si j'estimais, à un moment, que je suis devenu un sujet de fragilité, j'en tirerais les conséquences car (...) le projet est plus important que la personne", a assuré le haut-commissaire.
Lundi, Jean-Paul Delevoye avait été épinglé pour ne pas avoir mentionné dans sa déclaration - justifiée par son entrée au gouvernement en septembre - auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sa fonction, depuis 2016, d'administrateur bénévole d'un institut de formation de l'assurance (Ifpass), un secteur qui convoite l'épargne retraite des Français.
Une première polémique pour un poste d'administrateur d'un institut de formation de l'assurance
Plaidant "une erreur" et "une omission par oubli", le haut-commissaire avait démissionné de ce poste le jour-même pour "clore toute polémique" sur d'éventuels conflits d'intérêts. Mais les partis d'opposition s'en sont donnés à cœur joie, en plein conflit social sur le chantier des retraites qu'il pilote depuis deux ans, le député LFI Adrien Quatennens l'accusant par exemple de vouloir faire "avaler au pays une réforme au service des assureurs, des banques et des fonds de pension". "Il y a des amalgames curieux, lorsqu'on essaie de me faire passer pour un défenseur des assureurs", s'est défendu Jean-Paul Delevoye vendredi.
La veille, le procureur de Paris a demandé à la HATVP des précisions sur le défaut de déclaration d'activité du haut-commissaire. Une demande à laquelle cette autorité indépendante "s'attachera à répondre" dans "les meilleurs délais", une réunion de son collège se tenant mercredi, a-t-elle précisé à l'AFP. C'est à cette instance de saisir la justice sur en cas d'"omission substantielle" d'un membre de l'exécutif, notamment face à une volonté de dissimuler ou à une réitération.
Une seconde pour un poste à plus de 5.000 euros par mois
Mais le haut-commissaire doit également affronter une autre polémique liée à une autre fonction, qu'il avait bien déclarée : la présidence, depuis 2017, de Parallaxe, un institut de réflexion sur l'éducation dépendant du groupe de formation IGS, pour un montant de 5.368,38 euros net mensuels en 2018 et 2019. "Si j'ai touché une rémunération, c'est pour un travail concret dont je suis fier", a assuré Jean-Paul Delevoye vendredi, trois jours après avoir démissionné de toutes ses activités liées au groupe IGS.
Un cumul de salaires interdit par la Constitution
"Je l'ai conservée quand j'ai été nommé haut-commissaire (en septembre 2017, ndlr) donc haut fonctionnaire, puis quand je suis devenu membre du gouvernement (en septembre 2019), ce qui, je l'ai appris depuis, n'était pas autorisé", a dit Jean-Paul Delevoye. Il a ainsi perçu plus de 16.000 euros ces trois derniers mois, alors que la Constitution interdit "toute activité professionnelle" aux membres du gouvernement.
Une nouvelle "erreur", reconnaît le haut-commissaire, qui dit avoir "remboursé les sommes" et mesurer "tout à fait la perte de crédit (...) douloureuse à vivre". Selon son entourage, Jean-Paul Delevoye a remboursé mercredi ce qu'il avait perçu depuis son entrée au gouvernement et "s'apprête à le faire" également pour les montants touchés depuis septembre 2017, soit au moins 123.000 euros, selon un calcul de l'AFP.
Un troisième oubli, un poste au sein de la Fondation SNCF
Vendredi, le site d'informations Capital a mis au jour un nouvel oubli de Jean-Paul Delevoye, qui siège bénévolement depuis 2016 au conseil d'administration de la Fondation SNCF, dont "l'action caritative est très éloignée des questions de retraites ou de régime spécial des cheminots", fait-on valoir à la SNCF. Pour un député LREM, autant la question des liens avec l'assurance est "vraiment un mauvais procès, autant 'l'emploi' à plus de 5.000 euros par mois en parallèle de sa fonction de haut-commissaire, c'est plus difficilement défendable". Il devrait néanmoins, selon lui, conserver son poste "sauf s'il y a d'autres problèmes révélés... il y a souvent une loi des séries".