Retraites : le ministère de la Justice reconnaît l'existence d'un fichier nominatif de manifestants

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Des représentants du ministère de la Justice ont reconnu devant le tribunal administratif l'existence d'un fichier nominatif à Lille de personnes placées en garde à vue lors de la mobilisation sur les retraites. © Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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avec AFP / Crédits photo : Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Devant le tribunal administratif de Lille, des représentants du ministère de la Justice ont reconnu lundi l'existence d'un fichier nominatif dans la préfecture du Nord de personnes placées en garde à vue lors de la mobilisation sur les retraites. Selon eux, il s'agit simplement d'un "outil de gestion".

Des représentants du ministère de la Justice ont reconnu lundi devant le tribunal administratif l'existence d'un fichier nominatif à Lille de personnes placées en garde à vue lors de la mobilisation sur les retraites, un simple "outil de gestion" selon eux. Le tribunal examinait deux requêtes en référé déposées par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France, ainsi que par la Ligue des droits de l'homme (LDH) après un article de Médiapart dénonçant un tel fichage.

Un fichier autorisé par un décret, selon le ministère

Le juge doit rendre sa décision jeudi sur sa légalité. Il s'agit d'un tableur Excel, nommé "Suivi des procédures pénales - mouvement de la réforme des retraites" détaillant les noms, prénoms, dates de naissance des personnes placées en garde à vue lors des manifestations, et les suites pénales données. Selon le ministère, ce fichier est autorisé par le décret encadrant la base Casiopée, qui rassemble dans un logiciel sécurisé les données des prévenus, victimes ou témoins des procédures judiciaires des dix dernières années.

Le tableur examiné "rassemble simplement les procédures liées à un même évènement, ce que Casiopée ne permet pas de faire en temps réel", et ne contient "aucune autre information" que celles autorisées dans cette base, a détaillé à l'audience un représentant du ministère. Si "la chancellerie n'a pas donné cette consigne", il s'agissait d'un "outil pour la gestion locale", a-t-il assuré. Cela "permet le pilotage d'un évènement particulier" avec une forte "volumétrie des gardes à vue", a expliqué une autre représentante, évoquant l'existence d'autres fichiers de ce type dans d'autres villes.

Les procureurs ont ajouté "une donnée majeure : l'opinion politique"

En regroupant des informations nominatives, les procureurs "se sont permis d'ajouter une donnée majeure : une opinion politique", toutes ces personnes ayant protesté contre la réforme, a objecté Jean-Baptiste Soufron, avocat de l'Adelico et du SAF. "Ce n'est pas autorisé" et "cela revient à du fichage d'opposants politiques", a-t-il dénoncé. "Si le but est uniquement statistique, pourquoi conserver des données identifiantes, et ne pas se contenter d'un numéro d'enquête", a mis en avant l'avocate de la LDH, Marion Ogier.

Selon elle, quelques dizaines de personnes ont potentiellement été fichées, 50 à 100 interpellations ayant eu lieu dans le ressort de Lille depuis le 17 mars, date à laquelle le fichier aurait été crée suite au durcissement de la mobilisation après le recours au 49-3. La procureure de Lille et le procureur général de Douai, également visés par les recours, n'étaient ni présents ni représentés à l'audience.