La présentation de la réforme des retraites mercredi 11 décembre par le Premier ministre Édouard Philippe n'a pas aidé à apaiser les tensions. La grève entame jeudi son huitième jour d'existence et les syndicats ont appelé à se mobiliser pour une nouvelle journée de manifestation, le 17 décembre. Face à ces blocages, comment le gouvernement peut-il faire ramener le calme et ainsi redorer son blason ? Première piste : l'abandon de l'âge pivot à 64 ans, dès 2022. C'est notamment ce que demande la CFDT. "Elle ne veut pas de cet âge d'équilibre à 64 ans", insiste le journaliste d'Europe 1, Emmanuel Duteil. "Elle veut donc que ce soit annulé. Pourquoi elle n'en veut pas ? Parce qu'elle considère que c'est une simple mesure qui vise à faire des économies pour mettre le régime des retraites à l'équilibre en 2027", poursuit-il. Selon Emmanuel Duteil, le syndicat considère aussi que la mise en place de cet âge pivot "va pénaliser ceux qui sont aujourd'hui proches de l'âge de départ à la retraite".
D'après le syndicat, il est d'ailleurs impossible de bouleverser le système et, en parallèle, de tenter de l'équilibrer d'un point de vue financier, à moins que le gouvernement renonce à équilibrer les comptes. Mais, ce changement de cap décalerait le déficit aux prochaines générations.
Dialoguer avec les syndicats
"Pour autant, le premier syndicat de France se dit ouvert à des discussions pour réfléchir à des moyens de réduction du déficit", rappelle Emmanuel Duteil. Le gouvernement a, de son côté, demandé à la CFDT de faire des propositions pour trouver une meilleure mesure. Mais, pas question pour le syndicat de franchir certaines lignes rouges, comme la baisse des pensions. Ce qui peut être envisagé, c'est d'instaurer l'équilibre sur une plus longue période. Autrement dit, "aller plus doucement et fixer un retour à l'équilibre après 2027 pour que ce soit moins dur pour les salariés concernés", résume Emmanuel Duteil.
Autre piste envisageable : travailler plus en jouant par exemple sur la durée de cotisations. Mais, du côté de la CFDT, une telle mesure ne passera probablement pas. Pour le moment, le chemin est donc ténu. Cette impasse pourrait amener à des concessions supplémentaires notamment sur la pénibilité, sujet capital pour la CFDT.
Alors, si la CFDT refuse plusieurs aspects de la réforme, que propose-t-elle concrètement ? "Augmenter les cotisations - ce qui ferait hurler le Medef - ou utiliser les réserves des autres régimes", répond Emmanuel Duteil. Pour le moment, ces pistes ne sont pas sur la table mais Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, souhaite qu'elles y soient. "De son côté, Bercy est prêt à tout étudier mais prévient n'avoir rien trouvé de mieux que l'âge d'équilibre", ajoute notre journaliste.
Vers un abandon de l'âge pivot ?
Les négociations avec les syndicats s'annoncent donc difficiles. Un conseiller du Président a d'ailleurs confié jeudi que "le gouvernement ne va pas indexer ses arbitrages sur la mobilisation populaire". Un message d’intransigeance qui cadre mal avec la volonté affichée d’être encore dans l’écoute et le dialogue avec le syndicat. Le bras de fer est réel, notamment avec la CFDT.
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L’Élysée le confirme : Laurent Berger, patron de la CFDT, était au courant des annonces du Premier ministre. "De bout en bout, le contact a été maintenu. Le syndicat était au fait des arbitrages y compris sur l’âge pivot", explique un proche d’Emmanuel Macron. C’est donc en connaissance de cause que l'exécutif est allé au clash avec le syndicat réformiste qui aurait pu lui permettre de calmer la rue.
Un président tourné vers Bruxelles
Mais, désormais, l'entourage d’Emmanuel Macron devient prudent face au regain de la mobilisation. Certains laissent entendre que la mise en place de l'âge pivot est peut-être discutable. Alors, qui endossera la responsabilité de ces discussions ? L’Élysée renvoie vers Matignon. C'est notamment ce qu'à fait Emmanuel Macron, jeudi, au micro d'Europe 1 alors qu'il était en déplacement au Conseil européen, à Bruxelles.
"Il y a un président de la République qui défend les intérêts français et fait avancer notre agenda européen ici et il y a un gouvernement qui travaille à Paris et qui a fait une proposition. Maintenant, il y a une concertation qui doit se faire", a-t-il assuré. "L'Élysée est donc bien décidé à ce que le président Macron n'ait à intervenir qu'en cas de blocage ou de crise sévère", ajoute, de son côté, Jean-Rémi Baudot, journaliste pour Europe 1.
Renouer le dialogue
Dans ce contexte, Édouard Philippe envisage très prochainement une réunion à Matignon avec les syndicats. "Le Premier ministre en personne décroche son téléphone depuis son bureau à l'étage de l'hôtel de Matignon. Il appelle les patrons d'une dizaine d'organisations syndicales et patronales", précise Jean-Rémi Baudot. Car, Édouard Philippe a bien un objectif : renouer le dialogue, en reprenant les négociations avec ceux qui accepteront la main tendue du gouvernement.