Le professeur Axel Kahn est mort ce mardi à l'âge de 76 ans, des suites d'un cancer. Auteur de nombreux ouvrages, passionné de philosophie et d'éthique, il s'était confié en mars dernier au micro d'Isabelle Morizet à l'occasion de la sortie de son livre Et le bien dans tout ça ? (éditions Stock). De son enfance avec ses deux frères à son choix de carrière, en passant par le suicide de son père et sa passion pour la marche, découvrez les confidences du généticien sur Europe 1 au printemps dernier.
Un choix par défaut
Né en 1944, Axel Kahn est le fils du philosophe Jean Kahn-Dessertenne et le frère du journaliste Jean-François Kahn et du chimiste Olivier Kahn, mort en 1999. Une illustre famille, aux carrières reconnues, qui a orienté son choix pour la médecine, presque par défaut. "Non pas que j'étais en rivalité avec mon père et mes frères, mais c'étaient des gens que je considérais comme remarquable. Je ne considérais pas raisonnable de travailler dans le même champ qu'eux", explique-t-il. "Par conséquent, tout ce qu'il me restait c'étaient les sciences 'semi-molles', alors va pour la médecine."
"Très rapidement, cela m'a intéressé", confie le professeur. Il se passionne notamment, en humaniste revendiqué, pour la dimension humaine de sa profession. Et opte également, dès la deuxième année de médecine, pour une approche scientifique. "Je me suis engagée, à côté des soins que j'ai mené jusqu'en 1992, dans la génétique."
"Sois raisonnable et humain"
Au cours de sa vie, Axel Kahn a été profondément marqué par le suicide son père en 1970 et la lettre que ce dernier lui laisse, qu'il découvre à 26 ans. "La lettre commence : 'Cher Axel, tu es sans doute capable de faire durement les choses nécessaires', puis il énumère les choses que je dois faire, qui sont dures, et il termine par 'sois raisonnable et humain'". Une maxime qui le guidera tout au long de son "chemin", confie le professeur. À ses frères, qui n'ont pas reçu de courrier, il ne confie pas ce secret. Olivier ne sera d'ailleurs pas au courant lors de son décès. "Jamais je n'ai cru être le fils élu des trois", confie-t-il. A l'inverse. "Le dernier regard que Jean Kahn a fait de son fils benjamin était nuancé." Par sa missive, selon Axel Kahn, le père reconnaît une forme de "brutalité" chez son fils tout en lui témoignant son amour et son inquiétude par ce conseil d'humanité et de raison.
"Comment voulez-vous facilement dire à vos deux frères que votre père a jeté sur vous ce regard intéressé, car il avait besoin de vous, mais également un regard inquiet de ma brutalité et éventuellement de ma propension à ne pas avoir l'humanité qu'il voulait me voir embrasser ? C'est difficile", décrypte-t-il.
"Quand il me demande d'être raisonnable, ce n'est pas dans le sens d'être sage", poursuit-il. "C'est dans le sens d'utiliser toutes les capacités de ma raison." Une interprétation qui deviendra son testament pour ses propres enfants, les poussant à utiliser leur raison dans l'humanité, telle qu'elle est. "En respectant les faibles, en n'accablant pas la pleutrerie, une petite lâcheté. Vous ne devez pas aimer que les fulgurances, que les gens qui sont d'une créativité infinie. Et avec tout cela, en utilisant votre raison, déterminer ce qui est votre devoir. Et alors faite le, durement si nécessaire. C'est ça le message !"
Sa passion pour la marche
Dans plusieurs de ses ouvrages, le professeur revient sur ses réflexions et sa passion pour la marche. Une activité qui lui a permis de "découvrir le bonheur", selon ses mots. Axel Kahn a d'ailleurs parcouru près de 100.000 kilomètres en France, sillonnant chaque chemin. "Je garde un souvenir, sans doute mythifié, mais extrêmement fort de mon enfance de petit campagnard", se souvient-il. "Un paradis terrestre", qu'il tente de retrouver au détour de chaque routes empruntées. "Ma vie a été heureuse car bien des fois je l'ai retrouvé, grâce à la marche", se réjouit-il.
"Il n'y pas d'activité plus propice à la pensée que la marche", ajoute-t-il, détaillant l'état de conscience permanent dans lequel il se plonge pendant ses longues balades, simplement bercé par la stimulation par le vent, les odeurs ou le chant des oiseaux. "Tout cela évoque des images mentales, des souvenirs. Vous reconstituez un univers et ça alimente réellement la pensée", ajoute-t-il.