Il est le symbole de l'accélération rapide de l'érosion des côtes maritimes françaises. Construit à la fin des années 1960 à plus de 200 mètres de l'océan Atlantique, l'immeuble "Le Signal" situé dans la ville de Soulac-sur-Mer en Gironde, n'est désormais qu'à quelques mètres des vagues. Vidé de ses habitants depuis des années, le chantier de démolition a été lancé officiellement ce vendredi 3 février par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Une première démolition qui devrait se suivre de dizaines d'autres dans les prochaines années. Car avec la progressive montée des eaux et l'intensification des tempêtes, dues au changement climatique, la mer progresse de plus en plus en France. Près de 20% de la façade maritime Hexagonale est concernée par le phénomène, soit plus de 900 kilomètres de côtes.
Des centaines de communes touchées...
Dans ces zones, près de 30 km² ont été cédés à l'océan en 50 ans, estime le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Alors, l'État tente de limiter la disparition de nos terres et dresse depuis 2022, une liste des 126 communes les plus touchées par le phénomène et qui vont devoir adapter leur politique d'aménagement et d'urbanisme à cette réalité.
Parmi les régions les plus touchées : la Bretagne. Près de 41 communes, dont Saint-Brieuc ou Le Palais, sont inscrites sur la liste du gouvernement. Suivent la Nouvelle-Aquitaine, avec 31 communes signalées comme particulièrement exposées à l'érosion comme Arcachon ou Lacanau, la Normandie avec 16 communes inscrites dont Dieppe, ou encore les Pays de la Loire où six communes devront rapidement s'adapter à l'érosion galopante.
... sur une liste parfois contestée
Les départements d'Outre-Mer sont aussi touchés, notamment la Martinique qui place 13 de ses communes dans la liste. Mais "il faut être prudent sur cette liste", juge Yannick Moreau, président de l’Association nationale des maires du littoral.
"Une fois la loi Climat et résilience votée en août 2021, l'État a fait cette liste, qui était en fait un transfert de charges non compensé. Les communes se retrouvent avec des obligations nouvelles de lutte contre l'érosion, mais sans moyens financiers dédiés. Et donc, beaucoup de villes et villages concernés par l'érosion n'ont pas fait la demande pour intégrer la liste", explique celui qui est également maire des Sables-d'Olonne, qui estime qu'en réalité, 400 communes sont plus ou moins exposées au risque d'érosion.
Des milliers de logements bientôt détruits ?
Seule solution pour ralentir l'érosion et limiter la facture qui se compterait "en dizaines de milliards d'euros" selon le maire : lutter contre le réchauffement climatique. "Mais en réalité, l'État demande aux communes ce qu'il n'arrive pas à faire, c'est-à-dire que les élus doivent aujourd'hui imaginer ce que la vie sur le littoral sera en 2100. Mais ce sera nous, les maires, qui porteront aussi la charge de dire aussi 'ici, il y a un risque'. Et donc, on sera en première ligne du mécontentement des habitants", regrette-t-il au micro d'Europe 1.
S'il est encore difficile d'estimer le nombre de déplacés en France à cause de l'érosion, les premières hypothèses publiées par les pouvoirs publics jugent que des milliers de logements pourraient être détruits en raison d'un risque d'érosion dans les décennies à venir. Un chiffre qui pourrait croître en cas d'incapacité des pays à réduire durablement leurs émissions de CO2, et donc, à lutter contre le changement climatique.