L’un des deux terroristes de Saint-Étienne-du-Rouvray n’avait jamais été condamné, et pourtant, il était déjà bien connu des services de renseignement et même de la justice. Après deux tentatives de départ en Syrie, le jeune homme avait en effet été placé sous bracelet électronique.
Deux tentatives de départ en Syrie. Alors qu'il n'avait encore que 17 ans, les attentats de janvier 2015 ont été l’élément déclencheur qui l’a fait basculer dans l'islam radical. Le garçon essaye de rejoindre la Syrie une première fois en mars 2015, deux jours avant ses 18 ans. Ses parents signalent sa disparition, ce qui permet son arrestation à Munich. Le jeune mineur est alors renvoyé en France, présenté à un juge qui le met en examen et le laisse libre sous contrôle judiciaire.
Résultat : un mois et demi plus tard, nouveau départ. Il décolle cette fois de Genève pour Istanbul, où il est arrêté, grâce au signalement dans les fichiers. À son retour à Paris, il est de nouveau mis en examen et envoyé en prison d’où il sort fin mai 2015.
Libération conditionnelle. Après dix mois de prison, alors qu'il n'a pas encore été jugé, la juge d'instruction antiterroriste a accepté de le libérer, sous certaines conditions, à savoir : une assignation à résidence chez ses parents, avec un bracelet électronique, mais la possibilité de sortir le matin en semaine et l'après-midi le week-end, une interdiction de quitter la Seine-Maritime, l’obligation de pointer une fois par semaine au commissariat, et la confiscation de ses papiers d'identité.
Les juges dupés par sa bonne volonté. Une décision réprouvée par le parquet antiterroriste, le procureur ayant fait appel. Néanmoins, les magistrats de la chambre de l'instruction ont validé le placement sous bracelet électronique. Pour quelles raisons ? Selon nos informations, ils ont considéré que les parents de ce jeune homme pouvaient sérieusement l'encadrer, qu'il avait par ailleurs un solide projet d'insertion mais, surtout, qu’il avait changé puisqu'il prétendait avoir pris conscience de la situation.
Manifestement, il n'en est rien et le jeune homme réussit à duper ses juges. Mardi, en passant à l’acte, il n'a même pas déclenché l’alarme de son bracelet électronique puisqu’il est sorti pendant les heures autorisées. Si la justice était parvenue à empêcher le départ du jeune homme pour la Syrie, personne n'avait imaginé que ce dernier transformerait sa frustration de ne pouvoir rejoindre les rangs du groupe Etat islamique en volonté délibérée de passer directement à l'acte, près de chez lui. Or, c'est exactement ce que prône l'Etat islamique.
285 suspects derrières les barreaux. Néanmoins, ce genre de situation reste assez exceptionnel. En France, on compte actuellement 285 suspects qui, comme lui, sont mis en examen dans des dossiers terroristes. Seuls 21 d'entre eux ne sont pas en prison, selon des chiffres dévoilés par Manuel Valls. La grande majorité est donc bel et bien derrière les barreaux, en attendant d'être jugée.