"Vivre, travailler, vieillir dignement" : des milliers de personnes ont manifesté vendredi en France pour les salaires, les syndicats espérant peser sur la conférence sociale programmée lundi malgré une mobilisation loin des records de la récente bataille des retraites. Plus de six mois après l'adoption de la réforme des retraites, l'intersyndicale met l'accent sur le pouvoir d'achat malmené par l'inflation : "c'est le sujet numéro 1 de préoccupation des travailleurs", a insisté Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
Les syndicats jugent "nécessaire (l')égalité femmes-hommes, l'augmentation des salaires, du Smic, des pensions, des minima sociaux et bourses d'études". Quelque 230 actions étaient annoncées dans de nombreuses villes, mais les cortèges étaient loin des niveaux du printemps, où le million de manifestants avait été atteint à plusieurs reprises, selon les autorités, dans le cadre de la mobilisation sur les retraites.
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À Paris, le cortège était de fait clairsemé. La mobilisation aurait réuni 20.000 personnes, selon la CGT. Il s'est élancé vers 14 heures de la place d'Italie vers la place Vauban. Tout en prédisant une "forte" mobilisation, la numéro un de la CGT Sophie Binet a reconnu qu'elle ne serait "probablement pas au niveau de celles contre la réforme des retraites". Mais, a-t-elle jugé en marge d'une conférence de presse de l'intersyndicale dans la capitale, "c'est normal, on a connu six mois de mobilisation historique", "on ne peut pas battre des records de France tout le temps".
À Marseille, ils étaient 10.000 selon la CGT, 2.100 selon la préfecture, réclamant de pouvoir "vivre, travailler, vieillir dignement". À titre de comparaison, lors de la dernière journée de mobilisation sur les retraites le 6 juin, les syndicats avaient avancé 50.000 participants. Selon le décompte des forces de l'ordre, il y aurait eu 92.500 manifestants partout en France, dont 9.100 à Paris.
"Inflation inflammable"
À Toulouse, ils étaient entre 2.000 (préfecture) et 15.000 (organisateurs). "Je suis là pour dire mon mécontentement sur les salaires beaucoup trop bas qui ne suivent pas du tout l'inflation", a expliqué Édith Franco, 45 ans, qui travaille dans l'enseignement agricole. À Montauban, ils étaient entre 600 (organisateurs) et 350 (police), entre 400 et 300 à Auch, entre 2.500 et 900 à Perpignan.
À Nantes, plusieurs milliers de personnes ont aussi défilé derrière une banderole "inflation inflammable", tandis qu'à Rennes, ils étaient entre 3.000 (CFDT) et 1.770 (préfecture) et à Rouen entre 2.000 (CGT) et 1.300 (préfecture). À Bordeaux, les organisateurs ont compté 3.500 manifestants, la préfecture 1.300.
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"On ne passe pas d'un mouvement qui échoue (contre la réforme des retraites, ndlr) à une mobilisation facile", a constaté dans le cortège lyonnais Rindala Younes, professeure de français syndiquée au Snes-FSU, soulignant que "sur la question des salaires, les gens galèrent vraiment".
Côté transports, la circulation des trains était légèrement perturbée sur certaines lignes régionales mais normale pour le TGV. En Ile-de-France, des perturbations affectaient certaines lignes RER, mais à Paris, métros, bus et tramways circulaient normalement. Le trafic aérien était également perturbé en France et en Europe.
Côté éducation, le ministère a fait état d'un faible taux de grévistes de 3,65% en moyenne chez les enseignants.
"De l'entrée au dessert"
La Tour Eiffel a été fermée, ainsi que le musée du Louvre brièvement. CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa, Solidaires et FSU, et des organisations de jeunesse, suivent un appel de la Confédération européenne des syndicats (CES). Des manifestations sont ainsi organisées en Italie, Belgique, Allemagne, Espagne, entre autres, avant un nouveau rendez-vous le 13 décembre.
En France, les leaders syndicaux espèrent que cette journée permettra de peser dans les discussions avec la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne au cours de la conférence sociale lundi au Cese (Conseil économique social et environnemental). Cette mobilisation doit servir de "tremplin", a plaidé Sophie Binet. "Lundi, on va parler salaires de l'entrée jusqu'au dessert", a aussi souligné vendredi sur France 2 Frédéric Souillot (FO), décidé à "mettre la pression" sur le gouvernement et le patronat.
Les syndicats réclameront aussi une "conditionnalité des aides publiques aux entreprises", soit le maintien des exonérations de cotisations à condition que la branche n'ait pas de minima en dessous du salaire minimum. Mais certains craignent qu'il n'y ait "pas beaucoup de propositions effectives" à l'issue de la conférence.