Le gouvernement a ouvert la porte jeudi à la création de nouvelles salles de consommation à moindre risque pour les usagers de drogues, après celles de Paris et Strasbourg, et a autorisé l'accès des fumeurs de crack à ces "salles de shoot". Le ministère de la Santé a publié un arrêté en ce sens au journal officiel. Le texte, réclamé depuis des mois par les spécialistes de la réduction des risques, modifie le cadre légal des salles de consommation à moindre risque, dispositifs testés en France à titre expérimental depuis 2016 et jusqu'en 2022.
L'arrêté ramène la durée minimum d'ouverture d'une salle de trois à un an, ce qui pourrait permettre la création d'autres lieux de ce genre (environnement propre, sécurisé, avec du matériel stérile) après les dispositifs pionniers lancés à Paris et Strasbourg depuis 2016. À Bordeaux, en Seine-Saint-Denis et à Marseille, les autres projets de "salles de shoot" sont jusqu'ici restés dans les cartons, tandis que les réticences se multiplient à un an des élections municipales : malgré le volontarisme de son adjoint à la santé, la cité phocéenne vient ainsi de faire machine arrière et de reporter sine die son projet de salle.
Avec l'ancien cahier des charges, aucune autre salle n'aurait pu être ouverte après octobre prochain. Réduire la durée d'ouverture de trois à un an permet aux équipes municipales d'envisager l'ouverture d'une salle, même après les élections, avant la fin de l'expérimentation en 2022. "Cela ouvre de nouvelles perspectives et va permettre de demander l'ouverture de nouvelles salles, quels que soient les modes de consommation" de drogue, s'est réjoui Élisabeth Avril, directrice de l'association Gaïa, gestionnaire de la salle de consommation à moindre risque à Paris
Un dispositif mal adapté aux fumeurs de crack
L'arrêté ouvre aussi le dispositif aux usagers se droguant "par inhalation", là où il était jusqu'ici réservé aux seuls "injecteurs", souvent héroïnomanes. Autrement dit, les toxicomanes exclusivement fumeurs de crack pourront désormais fréquenter une salle de consommation à moindre risque. Un changement significatif, alors que cette drogue, dérivée fumable de la cocaïne, fait des ravages dans le nord-est de la capitale.
Pourtant rien ne va changer dans l'immédiat à Paris, selon Gaïa. Car la salle située près de la gare du Nord, qui enregistre environ 200 passages quotidiens, est démunie face au nombre des "crackers". "Tant qu'il n'y aura pas de nouvelle salle à Paris, on continuera à n'accueillir que les injecteurs", prévient Élisabeth Avril. "Il y a 5.000 fumeurs de crack dans le nord-est parisien et on ne peut pas se permettre de les attirer tous dans le quartier".
"Le prolongement logique, c'est l'ouverture de nouvelles salles dans Paris, comme le réclament les associations", estime Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, qui regroupe les professionnels de la réduction des risques. "Montréal, qui est une ville beaucoup plus petite, a quatre salles et un dispositif mobile." "L'outil juridique est enfin en place, maintenant il faut que chacun prenne ses responsabilités", a-t-elle ajouté, alors que la ville de Paris vient de se doter d'un nouveau plan anti-crack, qui prévoit la création d'espaces de repos pour les toxicomanes mais ne prévoit aucun nouvel espace de consommation.
À Strasbourg, où le crack est moins implanté, la salle de consommation à moindre risque va accueillir "immédiatement" tous les usagers, "quel que soit leur mode de consommation", a expliqué l'association Ithaque, en charge du dispositif.