La ministre chargée de l'Autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon, a annoncé mardi l'ouverture de deux enquêtes administratives, dont une de l'Inspection générale des finances sur le groupe Orpea, au cœur d'une vive polémique sur les conditions d'accueil dans ses Ehpad. "Nous lançons aujourd'hui une enquête Igas (Inspection générale des affaires sociales) et une enquête financière de l'IGF, c'est une première, parce qu'il faut taper fort pour montrer qu'on ne fait pas n'importe quoi" dans les Ehpad, "une activité lucrative mais qui ne doit pas l'être au détriment de la bientraitance", a tranché la ministre.
Ce mardi, Brigitte Bourguignon a reçu les dirigeants d'Orpea lors d'un entretien musclé. Il n'a duré que 45 minutes et selon nos informations, le ton de la ministre était très ferme. Elle leur a fait part de sa colère, de son indignation, avec une vraie volonté d'agir. A la sortie, le nouveau PDG du groupe, Philippe Charrier, est de son côté apparu droit dans ses bottes, très sûr de lui. "Ce que nous avons lu ne correspond absolument pas à la réalité de la vie dans nos établissements. D'ores et déjà, nous savons que plusieurs accusations sont infondées. J'en ai la preuve. Madame la ministre nous a dit qu'elle allait faire des inspections, des contrôles et nous sommes très heureux" que ce soit le cas, a-t-il assuré.
Réveiller les consciences
Une série de contrôles inopinés des agences régionales de santé, et ce, dans tous les établissements du groupe Orpéa, va être lancée parallèlement. Dès la fin du mois de février, Brigitte Bourguignon va également annoncer des mesures de renforcement des contrôles et des évaluations. Et cette fois, pour l'ensemble des Ehpad du territoire, qu'ils soient publics ou privés, soit 7.300 établissements.
Une mesure nécessaire pour l’ancienne ministre Michèle Delaunay, qui a estimé au micro d'Europe 1 qu’il faut absolument contrôler leur fonctionnement. "Grâce à un amendement à la loi Santé, la Cour des comptes peut aller visiter les Ehpad, et quand elle s'y met elle peut être extrêmement vigoureuse. Je suis même favorable à une association de familles de résidents au niveau national, qui serait investie de la possibilité de contrôle", a-t-elle soulevé.
"On peut poser une question éthique mais aussi politique, qui est de se demander s'il est vraiment raisonnable de donner ces pouvoirs humains tellement importants à des Ehpad d'un secteur qui a pour but de faire des profits et d'avoir une bonne cotation en bourse ?", a interrogé Michèle Delaunay. "Il faut un cadre plus strict et ça va réveiller les consciences. Pour l'élection présidentielle, dans aucun programme des candidats il n'y a un chapitre sur la loi Grand âge, pas un mot", a-t-elle encore déploré.
"La rationalisation de l'humain"
Invité sur Europe Midi mardi, Guillaume Gobet, ancien chef de cuisine et ancien délégué CGT de la filiale Ehpad du groupe Orpea, a estimé que le silence des représentants du personnel des établissements en question est lié à la peur et que les méthodes décrites dans le livre-enquête sont une réalité. "J'ai essayé d'avoir des témoignages de délégués syndicaux, d'élus du CSE, de la CGT et ils ne veulent pas témoigner à visage découvert parce qu'ils ont peur. Et pourtant, ils sont très nombreux", a-t-il affirmé.
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Il a également décrit cette option du moindre coût au sein des Ehpad. "C'est la rationalisation de l'humain. On en est à compter des biscottes, du sucre". L'ancien chef cuisinier a dit ne pas être étonné par le discours du PDG d'Orpea, qui dénonce des accusations mensongères. "Je n'ai que trop l'habitude de leurs discours. Cela fait des années qu'ils le tiennent en disant que c'est une entreprise qui prend soin de son personnel, qui est en progrès dans la prise en charge. Mais en fait, la réalité est tout autre. Nous, la CGT et d'autres organisations syndicales, allons aussi déposer plainte. Je ne vois pas comment Philippe Charrier ne pouvait pas être au courant des méthodes du groupe."