Une vague de témoignages submerge ces derniers jours la plateforme de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et handicapées. Dans le sillage des révélations sur les groupes Orpea et désormais Korian, des proches de résidents en Ehpad se décident à appeler le 3977, pour des faits qui remontent parfois à plusieurs années. Le phénomène est d’ampleur inédite.
Une fine cloison sépare chaque bureau, dans un petit local du douzième arrondissement de Paris. Derrière leur ordinateur, deux écoutantes enchaînent les appels, de 9 heures à 19 heures. Le téléphone sonne sans cesse."3977 bonjour", répète inlassablement Marie, une des écoutantes. Au bout du fil, des interlocuteurs à la voix tremblante, parfois furieuse, racontent le calvaire de leurs proches en Ehpad.
Engager des procédures, ou simplement témoigner
"Et donc les repas n’étaient pas servis ?", questionne Marie avec bienveillance. Elle poursuit, après un silence : "Ça commence à faire beaucoup là, avec en plus le fait que ses protections ne soient pas changées… Souhaitez-vous être rappelé par le Conseil départemental ?"
Certains veulent engager des procédures contre un établissement et sont redirigés vers le partenaire local de la Fédération 3977. D’autres, ceux qui relatent des faits vieux de plusieurs années, cherchent avant tout une oreille attentive. Tous citent les révélations des dernières semaines : "Il y a aussi des personnes qui nous appellent pour d’autres Ehpad, et ils nous indiquent tout de suite qu’il n’y a pas que Orpea", abonde Marie.
Deux fois plus de dossiers traités
Jamais le téléphone n’avait autant sonné, constate Isabelle Gillet, responsable de la plateforme 3977 : "Normalement l’équipe fait entre 25 et 30 dossiers par jour et là il y en a eu 60 hier. Il y en a beaucoup qui ont vécu des choses très, très douloureuses, qu’ils ont oubliées. Le fait d’en entendre parler à l’extérieur, ça ravive leur douleur et maintenant ils ont besoin d’en parler", analyse-t-elle.
L'affaire Orpea aura donc bien permis de briser le mur du silence qui entoure les cas de maltraitances envers les personnes âgées. "D’après l’Organisation mondiale de la santé, plus de 95% de ces situations sont méconnues", explique Pierre Czernichow, président de la Fédération 3977. Reste à savoir si cette "tendance à la hausse" du nombre d’appels se poursuivra dans les prochaines semaines. La plateforme envisage dans ce cas de recruter de nouveaux bénévoles en renfort.