Mettre fin à des années de disette. C'est ce lundi après-midi que le gouvernement lance le "Ségur de la santé", un nouveau plan qui doit permettre de remettre sur pied un hôpital sous assistance respiratoire depuis une vingtaine d'années. Le ministre de Santé Olivier Véran va rencontrer les soignants, organisés en syndicats et collectifs, lors d'une visioconférence réunissant 200 à 300 personnes. Une réunion à distance, coronavirus oblige, qui va s'ouvrir par un message du Premier ministre Édouard Philippe pour donner le cap des négociations.
Mais le "Ségur de la santé" est loin d'être le premier plan hôpital : rien que sur les trois dernières années, on compte pas moins de six séries de mesures prises par les autorités, toutes jugées insuffisantes par les soignants. Et tandis que la situation se tend de plus en plus, la colère monte chez les professionnels de santé qui n'hésitaient déjà plus à parler de point de rupture bien avant la crise du coronavirus. D'ailleurs, une grève était déjà en cours, notamment aux urgences, quand le Covid-19 s'est manifesté en France. Comment l'hôpital public, un des fleurons français, a-t-il pu en arriver à une telle situation ? Europe 1 retrace le fil des événements.
Début des années 2000 : un hôpital aux mains des gestionnaires
C'est au début des années 2000 que tout bascule : jusque là dirigé par des mandarins, l'hôpital public passe entre les mains de gestionnaires dont l'objectif est de faire des économies, à une époque où 70% des structures sont en déficit. Un changement de gestion qui commence avec la mise en place de la T2A, la tarification à l'activité. Concrètement, le budget de l'hôpital n'est plus un forfait global annuel, mais dépend du nombre d'actes réalisés. Une bonne idée sur le papier : plus un hôpital fait d'opérations, plus il gagne d'argent.
2009 : avec la loi Bachelot, les patrons d'hôpitaux deviennent des chefs d'entreprise
Mais la T2A engendre rapidement un effet pervers. Pour faire rentrer des sous dans la caisse, les médecins sont poussés à opérer beaucoup, et parfois inutilement, par des directeurs d'hôpitaux à qui l'on demande d'agir comme des chefs d'entreprise : c'est la loi Bachelot de 2009. Dans le même temps, les forces vives commencent déjà à manquer au sein de l'hôpital public. Avec la mise en place des 35 heures, les infirmières travaillent quatre heures de moins par semaine et elles ne sont pas remplacées, car il faut toujours faire des économies. Résultat : les embauches sont insuffisantes pour combler la baisse du temps de travail.
Le cercle vicieux est en place
Toujours d'actualité, la T2A pousse alors les hôpitaux à faire toujours plus d'opérations avec moins de personnel, en poussant une partie, à bout de souffle, vers le secteur privé qui offre de meilleures conditions de travail et de vie. Le cercle vicieux est alors en place : la cadence doit être maintenue coûte que coûte, poussant inlassablement de plus en plus de soignants vers la sortie et renforçant la pression sur ceux qui restent. À tel point qu'aujourd'hui, la Fédération hospitalière française estime que 30% des postes ne sont pas pourvus.
Un chiffre qui pourrait presque expliquer à lui seul pourquoi le porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), et responsable CGT, Christophe Prudhomme indiquait samedi soir sur Europe 1 que la principale revendication des soignants n'est pas la hausse des salaires, mais les embauches.