Nous ne sommes pas tous égaux devant l'orgasme. Climax de l'acte sexuel, il a parfois un point de départ surprenant n'ayant rien à voir avec les ébats qui se déroulent traditionnellement dans la chambre à coucher. Dans l'émission Sans Rendez-vous ce vendredi sur Europe 1, le médecin sexologue et chroniqueur Damien Mascret revient sur ce phénomène déroutant, et en profite pour trancher la question du mythe de l'orgasme par la pensée.
"Certains personnes ont des orgasmes étranges, dont le point de départ est parfois surprenant. Au delà des anecdotes ou des témoignages, il y a beaucoup de publications scientifiques récentes qui le montrent, notamment celle de chercheurs néerlandais qui ont eu la surprise de voir en consultation une femme de 55 ans. Cette dernière avait des orgasmes inopinés qui démarraient dans son pied gauche, puis remontait par le mollet jusqu'au vagin pour terminer sa course dans sa tête, avec évidemment une sensation orgasmique.
Le problème, c'est qu'elle ne pouvait non seulement rien faire pour l'empêcher, mais en plus, ce n'est pas elle qui le déclenchait. Sans raison apparente, cinq ou six fois par jour et sans prévenir, elle avait donc un orgasme. Un phénomène particulièrement invalidant au quotidien.
Après plusieurs examens, un neuropsychiatre très connu en sexologie de l'Université d'Utrecht, a finalement réussi à trouver un traitement. En réalité, la pression exercée sur une zone de la voûte plantaire de cette patiente pouvait déclencher un orgasme. Le spécialiste a ensuite remonté la racine nerveuse jusqu'au ganglion rachidien de la deuxième vertèbre sacrée (dans la région pelvienne), et l'a neutralisée. Cela a eu pour effet de supprimer ses orgasmes inopinés.
Mais le spécialiste fait aussi remarquer que le nerf partant de la plante des pieds croise celui qui vient du clitoris lorsqu'il rentre dans la colonne vertébrale.
Toute cette histoire nous montre aussi que l'orgasme, c'est avant tout dans le cerveau
Exactement. Quel que soit le point de départ des stimulations, tout se termine dans le cerveau, c'est là que se produit l'orgasme. Des médecins canadiens menant une étude sur l'épilepsie se sont rendus compte que les crises commençaient très souvent par des sensations érotiques, des sensations agréables qui se propagent à tous les organes génitaux. On voit bien que là, on est complètement dans le cerveau et l'orgasme par la pensée.
Mais l'orgasme par la pensée est un mythe non ?
Pas du tout, ça existe vraiment. Déjà en 1953, la grande enquête américaine sur la sexualité féminine, Kinsey, avait remarqué que 2% des femmes disaient être capables d'avoir des orgasmes par la pensée sans aucune stimulation physique. Certains n'ont jamais cru à ça, parce que comme toujours, on remet en cause le témoignage des premières concernées. Mais depuis, on a des techniques qui ont permis de confirmer qu'il se passait bien quelque chose dans le cerveau.
En 1992, la sexologue Beverly Whipple avait montré chez une dizaine de femmes en laboratoire qu'effectivement, elles avaient toutes les manifestations orgasmiques. Non seulement le plaisir exprimé, mais aussi la dilatation des pupilles, l'augmentation de la pression artérielle, du pouls, les contractions du périnée... Concrètement, ces femmes, sans aucune stimulation, pouvaient déclencher un orgasme. Et puis en 2013, des chercheurs américains qui ont fait passer une IRM à des femmes qui disaient être capables de déclencher des orgasmes.
Et le résultat est saisissant : quand une patiente déclenchait un orgasme, on voyait sur les écrans tout son cerveau s'allumer, s'embraser, comme dans le cas d'un orgasme 'traditionnel'. Preuve irréfutable que l'on peut en déclencher un par la pensée. Il aura donc fallu attendre 60 ans pour confirmer les dires des femmes en 1953 !"