Le Giec, une institution de l’Onu qui rassemble les plus grands spécialistes du réchauffement climatique, produit un rapport tous les sept ans depuis les années 1990. Ses conclusions sont relues, corrigées et approuvées par des milliers d'experts à travers le monde et des représentants de chaque gouvernement. Chacun de ces rapports comprend trois volets : l’un sur le constat, l'autre sur les impacts du dérèglement climatique et le troisième sur les solutions. C'est cette dernière partie du sixième rapport du Giec qui a été publiée ce lundi. Elle vise à présenter les solutions technologiques les plus pertinentes pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Le CO2 doit cesser de croître avant 2025
Selon ce rapport, il nous resterait huit ans pour mettre en place des solutions fortes de réduction d’émissions de GES. Aujourd’hui, le CO2 ne fait qu’augmenter. Il faut qu’il cesse de croître avant 2025, et que la quantité émise soit réduite de moitié d’ici 2030.
Nadia Maïzi, professeure à l’École des Mines, est l’une des autrices du rapport, veut alarmer sur le sérieux de cette étude : "On n’est pas là pour crier au loup encore plus fort que d'habitude. Car ce sont vraiment des éléments de mesure, des preuves scientifiques… D’ailleurs, je pense que tout le monde a pu comprendre que les derniers événements, les derniers incendies, les derniers 40 degrés dans les pôles sont des questions assez prégnantes aujourd’hui."
Parmi les actions efficaces et immédiates à adopter, le rapport se consacre pour la première fois aux solutions comportementales, telles que la réduction de la consommation d’énergie ou de la consommation de viande, une première dans l’histoire du Giec.
La sobriété comme solution majeure contre le changement climatique
Les scientifiques tentent ainsi de répondre à la question : "Comment le monde peut se passer d’une partie de l’énergie aujourd’hui produite ?" C’est un concept qui n’est pas nouveau, cela s’appelle la "sobriété", mais ce domaine n’avait jamais été présenté par le Giec comme l’une des solutions majeures pour combattre le réchauffement climatique. C’est en effet un sujet politique très sensible.
"La sobriété, c’est une diminution de notre consommation d’énergie en revoyant nos modes de vie et nos habitudes", définit Nicolas Goldberg, consultant en énergie chez Colombus Consulting.
"Il ne faut pas confondre ce terme avec "efficacité", qui est faire la même chose mais de manière plus efficace, comme se loger dans une maison bien isolée pour mieux se chauffer", poursuit-il. "La sobriété, en revanche, c’est limiter son chauffage à 19 degrés et enfiler un pull".
Un sujet "explosif" sur le plan politique
Baisser le chauffage mais aussi généraliser le télétravail, favoriser le covoiturage, rouler moins vite, construire des voitures plus petites et moins lourdes pour extraire moins de matières premières… Toutes ces mesures de sobriété sont des leviers efficaces de réduction d’émissions de CO2, mais peu attractives sur le plan politique.
"C’est un sujet explosif", admet Nicolas Goldberg. "Mais ce sera nécessaire, sinon on va s'orienter vers une sobriété subie, comme on l’a en ce moment", ajoute le consultant en énergie. "Aujourd’hui, beaucoup de gens ne prennent plus leur véhicule à essence pour une question de portefeuille. Et ce sera à mon avis beaucoup plus violent si la sobriété surgit ainsi, comme une contrainte, et bouleverse nos vies. Un débat démocratique sur la question, certes difficile à mettre en place, pour réduire la consommation d’énergie sera moins indolore", conclut-il.
Malgré un léger ralentissement en 2020, les émissions mondiales de gaz à effet de serre n’ont jamais cessé d’augmenter depuis les années 1850. La planète se situe, actuellement, sur une trajectoire de réchauffement de trois degrés d’ici la fin du siècle. D'après le rapport du Giec, les montants à investir pour faire face au dérèglement climatique devront, d'ici 2030, être six fois plus importants que les investissements actuels.