Après la pénurie de masques, celle de gants et autres protections, et la longue mise en œuvre des tests à grande échelle, c'est désormais du côté des soignants que se fissure le rempart sanitaire français contre le Covid-19. Signe de leur épuisement, le collectif inter-hôpitaux entend dénoncer les conditions de travail actuelles mardi matin. Le week-end dernier, les chefs de service de l'AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) ont reçu une directive indiquant que les soignants ne pourraient probablement pas prendre leurs vacances de la Toussaint, à cause d'un manque de renforts dû notamment à un effort pour ne pas déprogrammer trop de soins hors Covid-19. "Ça me fait peur, je ne sais pas comment on va s'en sortir. Je le dis franchement, je ne sais pas", s'inquiète Sabine, mardi sur Europe 1.
"On nous demande de travailler presque tous les jours pendant 12 heures"
A deux pas de l’hôpital Tenon, elle se repose, le temps d'un café avec Nicolas. Les traits tirés, ils pensent à la deuxième vague de Covid-19 et à leurs congés qu’ils vont sans doute devoir reporter. "Psychologiquement, c'est très difficile, on a du mal à gérer. On est en sous-effectif. On nous demande de travailler presque tous les jours pendant 12 heures. On a des plannings qui ne ressemblent vraiment plus à rien et qui sont épuisants. Et là, je me demande si je vais pouvoir me reposer aux prochaines vacances", souffle Nicolas. Aide-soignant, Nicolas enchaîne les journées et les patients, jusqu’à 120 par jour, pour un salaire de 1.700 euros par mois.
Cette cadence infernale touche aussi le service de Sabine, manipulatrice en radiologie. Elle dit ne pas avoir le temps de "s'occuper correctement" des patients. "Ça devient des numéros presque, c'est du travail à la chaîne", regrette-t-elle. "On a demandé du renfort, sauf qu'on a du mal à recruter également."
Des élèves infirmiers amers
Les renforts tant attendus ne viendront pas non plus des autres régions, le coronavirus s'étant propagé partout ou presque sur le territoire. A Rouen, les soignants se sont également mis en grève mardi. Et la colère se diffuse, jusqu'aux étudiants infirmiers parisiens, réquisitionnés pour la deuxième fois cette année pour renforcer le système sanitaire.
"On accepte d'aider, parce qu'on sait qu'on a besoin de notre aide pour dépister un maximum, mais c'est vrai qu'un tiers de notre promotion n'est toujours pas allé à l'hôpital. Je vais avoir un jour des patients à ma charge, je ne m'en sens pas capable et je ne me sens pas capable en un an et demi de rattraper tout mon retard et d'être totalement autonome", déplore une élève en deuxième année à l'école de soins infirmiers Antoine-Béclère qui souhaite rester anonyme.
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Déjà mobilisée en mars et pendant trois mois dans un Ehpad en tant qu'aide-soignante, elle va désormais réaliser des tests PCR pendant cinq semaines. Et a même dû annuler un stage à l'AP-HP. "Ils étaient en train de préparer notre venue avec les emplois du temps et nos horaires, et on a été prévenus mardi dernier qu'il serait annulé. On doit apprendre à faire des tests PCR avec des nez en silicone, mais le lendemain on sera sur le terrain en train de les faire sur des vraies personnes", raconte-t-elle.
De son côté, Nicolas croise les doigts à propos de l'intensité de la deuxième vague : "Faut surtout pas qu'elle soit plus forte que la première. On est beaucoup moins armés que pour la première, on ne pourra pas gérer..."