La version de la première plaignante de l'affaire Tariq Ramadan s'effrite. Henda Ayari a été confrontée à l’universitaire suisse jeudi, durant un peu plus de deux heures, dans le bureau des juges d’instruction. Or d'après des éléments consultés par Europe 1, qui confirment une information du Point, la quadragénaire se trouvait au mariage de son demi-frère près de Rouen le 26 mai 2012, date à laquelle elle affirme avoir été violée par Tariq Ramadan.
Au mariage de son demi-frère. La plaignante avait déjà changé une première fois la date et le lieu des faits qu'elle dénonce. Dans ses auditions, Henda Ayari évoque ainsi des faits s'étant déroulés non plus en mars 2012, à l'hôtel Holiday Inn près de la gare de l'Est à Paris, mais le 26 mai, deux mois plus tard, au Crowne Plaza, place de la République. Mais d’après les documents consultés par Europe 1, elle se trouvait ce jour-là au mariage de son demi-frère, accompagnée de ses enfants.
Les témoignages de deux personnes, entendues par les enquêteurs, vont dans ce sens. D’abord, le demi-frère lui-même, qui d’après nos informations a fourni deux photographies de la réception où figurent la plaignante et les mariés, et a affirmé d’après le visionnage des DVD qu’elle s’y trouvait de 20 heures "aux environs de 3 heures du matin". L’autre témoin n'est autre que le fils aîné d’Henda Ayari, qui déclare lui-aussi avoir assisté à cette fête familiale avec sa mère. Il a été entendu à la demande de l'avocat du prédicateur. En outre, la mairie de Rouen a confirmé à la justice la date du mariage du demi-frère d'Henda Ayari, ce 26 mai 2012.
"Pas de souvenir précis". "En général, on se souvient bien du mariage de son frère. Ça prouve que ce qu'il s'est passé il y a six ans, elle ne s'en souvient pas parfaitement, et même l’événement marquant qu'est le mariage de son frère, elle ne s'en souvient pas", réagit auprès d'Europe 1 un des avocats d'Henda Ayari, Jonas Haddad. "Avec toutes les conséquences traumatiques et psychanalytiques que peut avoir un viol, il y a des moments dans lesquels on a des blancs", souligne-t-il.
"Elle a voulu bien faire, elle a cherché des éléments, des indices parce qu’elle n’avait pas de souvenir précis de la date et donc elle a émis des hypothèses, à aucun moment elle a dit que c’était la date de façon ferme et définitive", explique Me Jonas Haddad, présent à la confrontation. Et d'ajouter : "Elle a deux certitudes, ce viol s’est passé après la publication d’une photo Facebook qui lui a valu les remontrances de Monsieur Ramadan car elle n’était pas dans une tenue islamiquement correcte, et deuxièmement, que ce jour-là, il pleuvait."
Dans un tweet, Henda Ayari s'est dite "soulagée" de la confrontation avec Tariq Ramadan jeudi, mais regrette que l'islamologue "persiste dans le mensonge" :
Revoir le visage de mon agresseur fut difficile, mais soulagée d'avoir passé cette étape de la confrontation devant les juges.Déçue car, je pensais naïvement qu'il finirait par avouer mais il persiste ds le mensonge.
— Henda Ayari (@Henda_Ayari) 19 juillet 2018
J'irai jusqu'au bout ds ce combat pr la justice et la vérité !
"Il n'y a plus de dossier Ayari". Par ailleurs, l’enquête a établi que Tariq Ramadan était bien client régulier du Crowne plaza de la place de la République, mais qu’à la date du 26 mai 2012, il séjournait à l’hôtel Holiday Inn près de la gare de l’Est, premier lieu évoqué par Henda Ayari dans sa plainte.
"Elle a été confrontée à ses propres contradictions", se réjouit de son côté Me Emmanuel Marsigny, l’avocat de Tariq Ramadan, accusé de viol par trois femmes et qui a toujours nié un quelconque viol dans cette affaire. "Nous n'avons plus ni date, ni lieu du viol. Il n'y a plus de dossier Ayari. À chaque fois qu'elle a donné des éléments, ils ont été contredits", soutient Me Marsigny auprès d'Europe 1. En plus d’une demande de démise en examen" formulée il y a un mois, l’avocat de l’islamologue a déposé jeudi après-midi une nouvelle demande de remise en liberté de son client, en détention provisoire depuis près de 6 mois.