Télétravail, chômage partiel, droit de retrait, droit d'alerte... Autant de termes qui vous étaient peut-être étrangers il y a encore quelques jours, mais qui circulent désormais en boucle au sein des entreprises et dans les journaux. Face à l'épidémie de coronavirus, entreprises et travailleurs français doivent s'adapter pour continuer, ou au contraire stopper leurs activités.
Mais alors que les sociétés sont fortement incitées à faire travailler leurs employés à distance, certaines y rechignent encore. Que faire si votre employeur vous oblige à aller travail alors que votre tâche n'est pas essentielle ? A qui vous adresser ? Peut-on vous obliger à poser des congés pendant la période de confinement ? Si vous êtes intérimaire, auto-entrepreneurs, nourrice à domicile, avez-vous droit au chômage partiel, ou à des aides de l'Etat ? Notre chroniqueur juridique, Roland Pérez, a répondu aux questions de nos auditeurs sur le droit du travail.
La question de Laetitia
Pour les sociétés qui ne s'attendaient pas à un confinement si rapide et n'ont pas pu organiser le télétravail (bug informatiques, informaticiens injoignables...), les salariés doivent-ils se rendre sur le lieu de travail ou toucheront-ils le chômage partiel ?
La réponse de Roland Pérez
Toutes les entreprises de France qui en ont la possibilité doivent favoriser le télétravail. Si une société était en mesure de le faire mais n'a pas réagi à temps, elle devra mettre ses employés au chômage partiel, au moins le temps de régler ses problèmes informatiques.
La question de Mélanie
Puis-je dénoncer mon employeur s'il ne met pas en place le télétravail pour toutes les personnes pouvant en théorie travailler à domicile ?
La réponse de Roland Perez
Tous les salariés ont ce que l'on appelle un "droit d'alerte". Il s'exerce au nom de tous les employés de l'entreprise placés dans cette même situation. Dans ce cas, le salarié alerte le Comité social et économique pouvant exister dans l'entreprise, ou bien l'Inspection du travail.
Hormis les activités ne pouvant absolument pas s'exercer par télétravail, et celles qui sont indispensables à la survie sociale et économique du pays, tout emploi doit être occupé à distance en ce moment. Si le télétravail n'est pas mis en place alors qu'il pourrait l'être, le droit d'alerte peut être exercé.
La question de Marie
Je travaille dans une pâtisserie. Je reste à la maison cette semaine pour garder ma fille, mais je suis censée aller travailler samedi. Je ne pense pas que ce soit un travail de première nécessité, et me demande si je dois y aller.
La réponse de Roland Pérez
L'employeur doit garantir la sécurité, l'hygiène et la santé des travailleurs. S'il a mis en place des gants de protection, si les distances sont respectées entre vendeurs et clients, et si Marie peut prendre des pauses régulièrement pour se laver les mains, son droit de retrait sera difficile à mettre en exercice.
Le droit de retrait est un droit individuel : il est apprécié au cas par cas. Si le salarié décide de l'exercer, il doit prévenir son employeur en amont et en discuter éventuellement avec la médecine du travail. Il faudra ainsi déterminer s'il existe un danger "imminent", tel que le définit le code du travail.
La question de Stan
J'ai posé mes congés au mois de juillet, mais mon employeur m’oblige à les prendre maintenant, au lieu de me mettre en chômage partiel. En a-t-il le droit ?
La réponse de Roland Perez
Si la date de vos congés a déjà été fixée, votre employeur a le droit de vous la faire avancer. Selon la loi, un employeur peut modifier la date de congés de ses employés jusqu'à un mois avant leurs débuts. En revanche, si la date de vos vacances n'avait pas encore été fixée, il n'aurait pas pu vous obliger à les prendre dès maintenant. Un employeur ne peut pas placer un salarié en congé d'office.
Dans le cas inverse, si Stan avait posé quelques jours fin mars, sans imaginer passer ses vacances confiné, il aurait fallu demander la permission avant de pouvoir les décaler. Et son employeur aurait été en droit de s'y opposer.
La question de Laurence
Je suis nounou à domicile en CDI intermittent à temps partiel. Puis-je bénéficier du chômage partiel ou dois-je exercer un droit de retrait ?
La réponse de Roland Pérez
Vous avez évidemment droit au chômage partiel. Si votre employeur est un particulier, il continuera de vous rémunérer, et bénéficiera de la prise en charge de votre salaire pendant toute la période où les conditions sanitaires font que vous ne pouvez pas vous déplacer. Dans les autres cas, votre rémunération sera prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.
La question de Cathy
Quid des salariés en intérim dont le contrat vient de terminer ou allait finir sous peu ?
La réponse de Roland Pérez
La situation des intérimaires est relativement claire. Si leur dernière mission est terminée, ils bénéficieront d'aides prises en charge par Pôle Emploi. C'est une situation de chômage classique. Si un contrat de longue durée a été interrompu à cause du confinement, ils peuvent demander le chômage partiel, après discussion avec leur employeur et leur agence d'intérim, ou bien, selon leurs conditions de travail, exercer leur droit de retrait.
La question de Mathias
Je suis auto-entrepreneur, et tous mes contrats ont été annulés. Je n'ai aucune entrée d'argent prévue dans les prochaines semaines. Vais-je bénéficier d'aides ?
La réponse de Roland Pérez
La situation des auto-entrepreneurs est peut-être la plus difficile aujourd'hui. Pour l'instant, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, n'a encore annoncé aucune mesure les concernant. Il est probable que ces indépendants bénéficieront d'un allègement voire d'une suppression de leurs charges. Côté revenu, rien n'a encore été décidé.
La question de Laetitia
Un gérant salarié de sa société a-t-il droit au chômage partiel ?
La réponse de Roland Pérez
Cela dépend de sa situation. S'il est associé majoritaire il n'en bénéficiera pas. Par ailleurs, il n'y a droit que si sa fiche de paie prévoit un poste différent de sa qualité de gérant, comme directeur technique ou informatique. Si son contrat de travail dissocie bien ces deux situations, alors il pourra être pris en charge par le chômage partiel.