Elle avait déjà confié en novembre avoir été victime d'une agression sexuelle, sans dévoiler le nom de son agresseur. "J'attends de me sentir moins en colère. Quand je serai prête, je dirai ce que j'ai à dire", avait-elle déclaré. Uma Thurman a finalement choisi de parler. Elle est "prête", assure le New York Times samedi, à qui elle a accordé une interview. L'actrice américaine, égérie du réalisateur Quentin Tarantino et un temps proche de son producteur Harvey Weinstein, accuse clairement le magnat déchu d'Hollywood d'agression et de pressions à son encontre. "Elle a été violée. Elle a été agressée sexuellement. [...] Elle a été trahie et menée en bourrique par ceux en qui elle croyait", raconte le grand quotidien américain.
"Il a fait plein de choses désagréables". L'histoire se serait passée en plusieurs étapes, après la sortie de "Pulp Fiction" en 1994. Après un rendez-vous de travail à Paris, Harvey Weinstein aurait invité l'actrice dans sa chambre d'hôtel, puis dans un sauna de l'établissement. Uma Thurman aurait un peu plus tard retrouvé son producteur à Londres, aussi dans une chambre d'hôtel. "Il m'a poussée et a essayé de se jeter sur moi et de se déshabiller. Il a fait plein de choses désagréables", raconte-t-elle dans l'interview. À ce moment là, "vous êtes comme un animal qui se trémousse, comme un lézard. Je faisais tout ce que je pouvais pour reprendre le contrôle", poursuit-elle. "Le sentiment complexe que je ressens à propos d'Harvey est dû au fait que je me sens très mal pour toutes les femmes qui ont été agressées après que je l'ai été", confie-t-elle encore.
" Cela m'a pris 47 ans pour arrêter de dire que les personnes qui étaient méchantes avec moi étaient ‘amoureuse' "
Après cette agression, qui s'est déroulée après la sortie de "Pulp Fiction" (1994) et avant le tournage de "Kill Bill: Vol. 1" (2003), Uma Thurman explique s'être rendue dans l'hôtel de son producteur pour lui faire face. Elle explique l'avoir alors mis en garde: "Si tu fais ce que tu m'as fait à d'autres personnes, tu vas perdre ta carrière, ta réputation et ta famille, je te le garantis". Selon son amie Ilona Herman, qui l'avait accompagnée, Uma Thurman était bouillonnante de colère quand elle a quitté Harvey Weinstein à l'issue de leur discussion ce jour-là. Le producteur avait menacé de compromettre sa carrière.
"Personnellement, cela m'a pris 47 ans pour arrêter de dire que les personnes qui étaient méchantes avec moi étaient ‘amoureuse'". Cela m'a pris du temps parce que je pense que lorsque les petites filles sont conditionnées pour croire que la cruauté et l'amour ont, quelque part, une connexion. C'est l'ère de laquelle il faudrait s'extraire aujourd'hui", avance l'actrice.
"Une relation de travail amusante et mêlée de séduction". "M. Weinstein reconnaît avoir fait des avances à Mme Thurman après avoir mal interprété son attitude à Paris. Il s'est immédiatement excusé", a réagi dans un communiqué un porte-parole de l'ancien producteur, qui suit actuellement une thérapie en Arizona. Le porte-parole décrit la relation entre les deux comme "une relation de travail amusante et mêlée de séduction" et qualifie Uma Thurman de "brillante actrice", niant les pressions sur sa carrière.
Tarantino ne l'a pas prise (tout de suite) au sérieux
Uma Thurman explique aussi avoir raconté l'agression dont elle a été victime à Quentin Tarantino, sans qu'il ne la prenne au sérieux. "Il a dû mettre ça de côté en se disant 'Oh pauvre Harvey, il essaie d'avoir des filles trop bien pour lui'". Ce n'est qu'en 2001, lorsqu'elle a insisté, dérangée par la présence de Weinstein lors du Festival de Cannes, que le cinéaste a réalisé la gravité des faits reprochés à son producteur. "Il a compris, il a parlé à Harvey".
Le fondateur de Miramax lui a alors présenté ses excuses. "Son regard a changé, l'agressivité s'est transformée en honte". Quentin Tarantino a expliqué en octobre avoir été au courant depuis de longues années des agissements de Harvey Weinstein, maintenant accusé de harcèlement sexuel, agressions ou de viols par une centaine de femmes. "J'en savais suffisamment pour réagir plus que ce que j'ai fait", a reconnu le réalisateur multi-oscarisé. "C'était plus que les rumeurs habituelles, les ragots. Ce n'était pas des 'on dit'. Je savais qu'il avait fait plusieurs de ces choses", a-t-il ajouté.