365 jours, des milliers de morts et un pays meurtri. Près d'un an après le lancement de l'opération spéciale russe en Ukraine, pour "démilitariser et dénazifier le pays" comme l'affirmait Vladimir Poutine lors de sa prise de parole télévisuelle le 24 février 2022, les soldats russes et ukrainiens se livrent une bataille sans merci.
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Si cette opération militaire devait être rapide, le conflit s'est prolongé dans la durée face à la résistance ukrainienne, soutenue par l'aide des Occidentaux et notamment des pays de l'Union européenne. Malgré leur dépendance énergétique importante à la Russie, les 27 ont montré leur unité face à l'agression russe de l'Ukraine.
Pétrole, charbon, médias... Neuf trains de sanctions ont été adoptés par l'UE contre la Mère Partie, pour tenter d'affaiblir le Kremlin. Des sanctions qui ont aussi des conséquences sur l'économie européenne. Pourtant, jamais l'Union européenne n'a semblé être aussi unie.
Un centre de gravité déplacé vers l'Est
"Je pense que l'Union européenne à l'exception peut-être de la Hongrie, est unie sur le fait que la responsabilité de Vladimir Poutine dans cette guerre est énorme et que donc, ce qui est important, c'est aujourd'hui de faire en sorte que l'Ukraine ne soit pas militairement battue par la Russie", explique Christian Lequesne, professeur à Sciences Po Paris. Une stratégie assumée par les 27, face à un conflit qui bouscule les relations entre ces derniers. Au point de rebattre les cartes ?
Largement absents de l'actualité en temps normal, les pays d'Europe de l'est et les pays Baltes se sont illustrés ces derniers mois par leur détermination à soutenir les Ukrainiens, et à se montrer ferme contre l'État russe. "Il y a une sorte de déplacement du centre de gravité vers ces pays", note l'auteur de La puissance par l'image : Les États et leur diplomatie publique, aux éditions Les Presses de Sciences Po.
"Premièrement, ces pays ont notamment une légitimité à dire : 'États Allemand et Français, nous vous avons toujours dit que la Russie avec Poutine à sa tête, était agressive, et vous ne vouliez pas nous croire'. Et deuxièmement, ces pays sont aussi exposés au conflit, notamment en accueillant des milliers d'Ukrainiens" sur leur sol, poursuit-il. Car, parmi les huit millions d'Ukrainiens ayant quitté leur pays depuis le début du conflit, près d'1,5 million d'entre eux se trouvent actuellement en Pologne, indiquait le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, le 15 février dernier.
Une Hongrie à contre-courant
Mais un pays dénote particulièrement : la Hongrie. Viktor Orban, très critique à l'égard de Bruxelles avant le début du conflit, dénonce désormais une Europe "déjà en guerre indirecte avec la Russie". Le Premier ministre hongrois, qui a condamné l'agression russe du bout des lèvres, n'hésite pas à remettre en cause les sanctions prises par l'Union, les accusant d'accélérer l'inflation en Hongrie. "Bruxelles, utilise les sanctions comme une arme politique pour cibler la Russie. Mais c'est à l'Europe qu'elles font du mal", a-t-il déclaré, alors que son pays fait face à une inflation de 25%.
Cependant, "Viktor Orban partage dans le fond avec Poutine, une critique sur les valeurs de l'Europe", explique Christian Lequesne. "Une Europe trop libérale au plan économique, trop libérale au plan des mœurs ou de la société", poursuit-il. "Et comme Viktor Orban est un grand défenseur du modèle autoritaire, il pense que Poutine est un grand leader. (...) Il a donc décidé, qu'il fallait dédouaner" le président de la Fédération de Russie, ajoute l'enseignant.
Et à l'Ouest ?
A l'opposé, le couple franco-allemand maintient sa volonté de sanctionner la Russie et d'aider Kiev à lutter contre l'invasion russe. Pourtant, "il y a une délégitimation" de la France et de l'Allemagne avec ce conflit, note le professeur à Sciences Po Paris. "Ces deux pays ont cru au dialogue avec Poutine. Et aujourd'hui, on se rend compte que c'est une impasse. (...) Et, pour les centre-européens, les Suédois, les Baltes... Ceux qui avaient un discours plutôt ferme en disant 'On ne peut pas négocier avec ce dirigeant parce qu'on ne peut pas lui faire confiance', ce sont eux qui ont aujourd'hui raison. Or, ça ne comprend pas l'Allemagne, ni la France", conclut-il.
De quoi fragiliser la confiance envers les deux premières nations de l'Union, pointées du doigt soit pour leur dépendance énergétique (Allemagne) à la Russie, soit pour leurs propos sur l'OTAN ces dernières années. Une référence à Emmanuel Macron, qui déclarait fin 2021, que l'organisation du traité atlantique nord (OTAN) en "état de mort cérébrale". Moins d'un an plus tard, la Suède et la Finlande feront leur demande d'adhésion à l'alliance face à la menace russe.