Déposer son passe Navigo sur la borne du métro parisien et entendre le son du refus, qui nous empêche de passer est très désagréable. Et ce "dong" est fait pour ça. Comme l'explique David Castello-Lopes vendredi dans Historiquement vôtre sur Europe 1, les sons de la carte de transport en vigueur dans la capitale ont été conçus pour que le message qu'ils doivent transmettre soit bien reçu. Le journaliste est allé à la rencontre de celui qui a imaginé ce "ding" pour dire oui et ce "dong" pour dire non que l'on entend si souvent.
Un bruit très identifiable de validation et de refus
"À Paris, comme dans la plupart des villes, lorsque vous prenez le métro, vous avez le choix entre acheter des tickets ou prendre un abonnement. Quand vous êtes abonné, on vous donne une carte qui s’appelle le passe Navigo. Ainsi, quand vous entrez dans le métro, il vous suffit d'approcher cette carte d’une surface en plastique violet devant un portillon. Et là, de deux choses l’une. Soit votre abonnement est valable, auquel cas vous entendez un bruit de validation, un "ding", le portillon s’ouvre et vous pouvez passer. Soit votre abonnement n’est pas valable et vous entendez un bruit de refus, un "dong", et vous ne passez pas.
Et bien sûr, les drames arrivent. Par exemple, vous croyez que vous avez renouvelé votre abonnement alors vous présentez votre passe Navigo à toute vitesse et vous vous jetez sur le portillon. Et là, il ne s'ouvre pas, parce que c’est son travail de résister aux gens comme vous, et ça fait super mal. Mais peu importe, depuis toujours moi je me suis dit : "Il y a forcément quelqu’un quelque part qui a composé ces sons".
Des sons nés dans les années 2000
Cela m’a pris un moment, mais cette personne je l’ai cherchée, je l’ai trouvée et je suis allé la voir. Je vous le dis tout de suite, quand on est un fétichiste de l’histoire cachée des objets du quotidien, avoir quelqu'un qui vous dit : "Bonjour, je m’appelle Bernard Delage et c’est moi qui ai réalisé les sons du passe Navigo", ça met les larmes aux yeux.
Bernard Delage est acousticien et designer sonore. Au début des années 2000, quand la RATP s’apprêtait à lancer le passe Navigo, elle a fait appel à lui, qui avait déjà une bonne réputation. Elle lui a demandé de trouver des idées pour les sons de validation et de refus de la carte. Il a fait notamment appel à un compositeur de musique contemporaine, Christian Zanési. Ensemble, ils ont proposé plein de versions à la RATP. Et finalement en 2003, tout le monde s’est accordé sur les sons actuels, ce "ding" et ce "dong".
Dire universellement "oui","non" et "oui mais"
D’abord, pourquoi ce "ding" de validation et pas autre chose ? Parce que le but de ce son c’est de dire : "Oui vous pouvez passer." Or, ce bruit ressemble à "ouiiiiii". Mais surtout, fondamentalement, il y a du "i" dedans. Et une sorte de douceur objective dans le "i" qui sent bon la validation. D’après Bernard Delage d’ailleurs, ce n'est pas par hasard que, universellement, quand on parle à un bébé, on lui fait "tipititii".
Même chose pour le son de refus. Le "dong" ressemble à "non" mais, plus généralement, il a ce son grave et dissonant qui est un peu, comme le dit Bernard Delage, la version sonore du videur de boite de nuit. "Non monsieur ça va pas être possible." Et puis, il y a quelque chose que tout le monde n’a pas remarqué : un troisième son de la carte Navigo à Paris un "gnion". Et ce son, c’est un peu un mélange de oui et de non. Et il veut dire précisément ça : "Bon tu peux passer, mais fais gaffe ton abonnement se finit bientôt."
Il est aussi à l'origine de la prononciation des noms de station
Bernard Delage ne s’est pas arrêté là, puisque c’est aussi lui qui a eu l’idée de faire prononcer le nom des stations dans le métro à Paris, une première fois un peu comme si c’était une question et une seconde fois un peu comme si c’était une réponse. Et la première dame qui a enregistré le nom des stations parisiennes, c’est une actrice française qui s’appelle Vanda Benès.
Bernard Delage, lui, a pris sa retraite il y a presque six ans maintenant. Mais pour l’instant, ses sons sont toujours là dans le métro. Et moi, chaque fois que je valide mon passe Navigo, désormais, ça me fait plaisir de savoir que c’est le son de Bernard."