Le mari du père biologique peut reconnaître un enfant né de GPA à l'étranger

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La Cour de cassation examinait l’épineuse question de la reconnaissance des parents français d’enfants nés d’une GPA à l’étranger.

Les membres d'un couple élevant un enfant né de GPA à l'étranger peuvent-ils tous les deux être reconnus comme ses parents légaux ? Oui, a tranché mercredi la Cour de cassation. La plus haute juridiction française a jugé mercredi qu'un enfant né d'une mère porteuse à l'étranger pouvait être adopté par le conjoint de son père biologique, et donc se voir reconnaître légalement deux parents en France. Explications. 

La Cour autorise l'adoption de l'époux du père biologique...  

La loi française interdit toujours la gestation pour autrui (GPA). Mais en juillet 2015, la Cour de cassation avait toutefois validé l’inscription à l’état civil d’enfants nés à l’étranger par GPA. Mais la question du parent non biologique n’avait pas été tranchée. Désormais, elle l'est. "Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas à obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père", écrit la Cour de cassation dans un communiqué. 

Les juges se prononçaient notamment sur le cas d'un garçon âgé de dix ans, né d'une GPA en Californie, puis élevé en France par un couple d'hommes. Cet enfant a été reconnu aux Etats-Unis par la femme qui lui a donné naissance et par son père biologique. Son acte de naissance a été transcrit au registre de l'état civil français. Le conjoint du père biologique a ensuite formulé une demande d'adoption simple, faisant valoir qu'il s'est occupé du garçon dès sa naissance, en particulier en prenant un congé parental de plusieurs mois. L'enfant est par ailleurs connu dans la vie courante sous les noms des deux hommes, en couple depuis 2001, pacsés depuis 2004 et mariés depuis 2013.

La demande d'adoption avait été rejetée, en première instance comme en appel, au motif que la GPA est interdite en France. La Cour de cassation a finalement donné raison aux parents, en expliquant que la GPA ne constituait pas "un obstacle" à l'adoption. 

Ce que cela va (vraiment) changer 

Tant que le statut du parent non biologique n'était pas fixé, les tribunaux pouvaient prendre des décisions contradictoires. Ce flou laissait ainsi la possibilité aux parquets de casser un acte de naissance, si un nom autre que celui du père et/ou de la mère biologique apparaissait dessus.

"Certains tribunaux ont validé l'adoption d'un enfant né d'une GPA par un parent non biologique, d'autres l'ont refusée. Dans les cas où cela a été validé, le parquet a parfois fait appel, parfois non. En l'absence d'une jurisprudence claire, cela dépend de qui prend la décision", résumait l'avocat Fabien Guillaume Joly, contacté en mai dernier par Europe 1. Désormais, les parquets ne pourront plus casser une demande d'adoption pour le seul motif que l'enfant est né d'une GPA.

... Mais refuse la transcription de l'état civil étranger

La plus haute juridiction française, qui était saisie par plusieurs familles, a en revanche refusé la transcription automatique en droit français d'actes de naissance étrangers qui donnent d'emblée pour parents à l'enfant les deux membres du couple ayant eu recours à la gestation pour autrui (GPA), pratique interdite en France. En clair, lorsqu'un couple a recours à la GPA à l'étranger, le parent non biologique doit procéder à une adoption pour devenir le parent légal, y compris dans le cas d'un couple hétérosexuel. Une mère ou un père d'intention ne peut pas être reconnue automatiquement comme la mère de l'enfant. 

Sur ce point, les juges se sont penchés sur le cas d'un couple hétérosexuel qui demandait la transcription en France de l'état-civil établi en Ukraine pour ses jumelles, nées d'une GPA. L'acte de naissance porte le nom des deux parents français et non celui de la mère porteuse. Ce qui a été cassé par les tribunaux. En droit français, en effet, la mère est la femme qui accouche. Ne peut donc être la mère "d'intention" celle qui souhaite fonder une famille et qui élève l'enfant. 

Pour cette affaire, la Cour de cassation a donné raison aux précédents jugements. Elle a refusé la transcription de l'état-civil établi en Ukraine mentionnant la mère d'intention comme la mère des deux jumelles. "Il est impossible de transcrire un acte faisant mention d’une mère qui n’est pas la femme ayant accouché", écrivent les juges, citant l'article 47 du code civil. "En cas de GPA réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché", insiste la Cour.

Cette décision lève-t-elle toutes les ambiguïtés ? 

En résumé, la Cour permet d'un côté à "l'époux" d'un père non biologique d'adopter. De l'autre, elle interdit la transcription d'un état civil étranger vers un état civil français mentionnant la mère non biologique comme mère de l'enfant. 

Mais une question reste encore en suspens. Une "épouse" peut-elle adopter l'enfant de son mari né d'une GPA à l'étranger ? La Cour ne s'est pas prononcée précisément sur ce point, sur lequel elle n'a pas été saisie. Mais elle donne tout de même un élément de réponse. Selon les juges, en effet, le refus de transcrire un état civil étranger mentionnant la mère d'intention "ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, dès lors que les autorités françaises n’empêchent pas ce dernier de vivre en famille, qu’un certificat de nationalité française lui est délivré et qu’il existe une possibilité d’adoption par l’épouse ou l’époux du père". En clair, s'ils ne se prononcent pas précisément sur cette question, les juges mentionnent bien "une possibilité d'adoption par l'épouse" du père biologique.